Culture

Faye-la-Vineuse : une église sous une église

Aux confins de la Touraine, du Poitou et de l’Anjou, la petite commune de Faye-la-Vineuse abrite une perle de l’architecture romane, témoin de l’effervescence religieuse de la Via Turonensis au Moyen-Âge. Fondée au XIe siècle, la collégiale Saint-Georges possède une crypte semi-enterrée spectaculaire, décrite comme « la plus belle de celles qu’on voit en Indre-et-Loire ». Empruntons ensemble l’un des deux escaliers de tuffeau qui mène à l’église, sous l’église…  

Une cité médiévale d’importance

Faye-la-Vineuse est une petite commune de 270 âmes, située à une dizaine de kilomètres de Richelieu, dans le Sud-Touraine. Le nom de « Faia » viendrait du latin fagus (hêtre). À l’orée de l’an Mil, la bourgade occupe un emplacement militaire stratégique, sur une colline, à la croisée de trois grandes provinces. Cette situation favorable attire bien vite l’attention du comte d’Anjou Foulques Nerra, célèbre guerrier-bâtisseur, qui n'en finit plus d’ériger des places fortes en Touraine. Pour contenir les invasions venant du Poitou, il débute la construction d’une forteresse protégée par un mur d’enceinte. Vers 1039, Dame Nivès, descendante de Aimery, seigneur de Faye, fonde une collégiale dédiée à Saint-Georges. Achevée par son mari et son fils dans la deuxième moitié de la XIe siècle, elle abrite un chapitre de 13 chanoines et devient bien vite un haut-lieu de pèlerinage sur la route de Saint-Jacques de Compostelle.

Vers 1140, Raoul, fils du seigneur de Châtellerault, et oncle maternel de la célèbre Aliénor d’Aquitaine, se marie avec la fille du seigneur de Faye et devient « Raoul de Faye ». Aliénor se remarie en 1152 avec Henri, duc d’Anjou et de Normandie, seulement deux mois après l’annulation de son mariage avec Louis VII, roi de France. Son oncle est présent à ces côtés et y restera comme son confident pendant les 20 ans qui suivront. Raoul apparaît comme témoin dans plusieurs chartes, tant pour la reine que pour le roi Henri. La complicité qui unit le seigneur de Faye à sa nièce a probablement mené à la perte de cette position de confident auprès de Henri. Après la rébellion de 1172, Raoul perd ses terres anglaises et son rang de gouverneur de Faye. Il faudra attendre 1189 pour qu’Henri redonne « l’honneur de Faye » au petit-fils de Raoul.

Véritable carrefour commercial, militaire et religieux, Faye se mue en une cité médiévale d’importance. L'église est alors fortifiée, très probablement à raison des troubles de la guerre de Cent Ans. Son chevet est surmonté d’un chemin de ronde qui se visite encore aujourd’hui. A cette époque, le seigneur de Faye n’est autre que le fameux Jean V de Bueil, amiral de France et « fléau des Anglais », contemporain de Jeanne d’Arc. Un grand vitrail dans le transept de la Collégiale le représente terrassant le roi d’Angleterre.

Théâtre de nombreuses batailles, Faye connaît un important pillage en 1593, durant lequel 1500 soldats huguenots s’emploient à saccager la ville pendant plusieurs jours. Au XVIIe siècle, le déclin de la cité s’accélère : la seigneurie de Faye est intégrée au duché-pairie du cardinal de Richelieu. Les ruines de la forteresse et de son mur d’enceinte servent alors de carrière à ciel ouvert pour la construction d’une ville nouvelle, qui portera le nom du célèbre ministre de Louis XIII.

Une mystérieuse chapelle souterraine

Fortement remaniée au XIXe siècle (certains diront même bien mal remaniée), elle n’en demeure pas moins un bijou de l’art roman. L’église du XIe siècle, en forme de croix latine tournée vers l’Orient, mêle harmonieusement plusieurs influences architecturales locales. Le chœur à déambulatoire est muni de trois chapelles rayonnantes et s’organise autour de dix piliers ornés de chapiteaux sculptés, tant symboliques qu’historiés, représentant la prise de Jérusalem et des chevaliers combattant des infidèles, et semblent faire écho à Saint-Georges, saint patron de la Grèce et de la chevalerie.

L’église souterraine de la collégiale est aménagée à flanc de coteau. Elle est semi-enterrée et accessible par deux escaliers à vis. Ses dimensions, 15 mètres par 11, et sa hauteur sous voûte, sont exceptionnelles. Le plan de cette chapelle souterraine a servi de base à l’église supérieure. On y retrouve ainsi une nef centrale avec un autel et un déambulatoire qui correspondent strictement à l’aménagement observé à l’étage. Les dix piliers se prolongent également ici, toujours décorés de chapiteaux représentant, entre autres, des scènes de la Bible, comme l’adoration des Mages.

La vraie crypte, qui a servi de lieu de sépulture pour les chanoines de la Collégiale pendant des siècles, était jadis seulement accessible par une petite ouverture qui se trouvait dans le transept de l’église supérieure. Aujourd’hui on peut observer cette crypte depuis l’église souterraine, puisque pendant la restauration du XIXème siècle on a choisi de remplacer la petite fenêtre d’origine par une grande ouverture.

Classée au titre des monuments historiques en 1931, la collégiale Saint-Georges a bénéficié d’une opération de sauvetage urgent effectuée par le Service de l’Archéologie du Département d’Indre-et-Loire en 2015. La crypte, déclarée alors en situation de péril, présentait d’importantes remontées capillaires, causées principalement par les aménagements menés au XIXe siècle, et qui ont entraîné le développement d’algues vertes et la dégradation rapide des murs de tuffeau. Des fouilles archéologiques préventives, préalables à cette opération de sauvegarde, ont été menées et ont révélé des traces d’occupation antérieures à la construction de l’église, avec la présence probable d’un grand silo creusé dans la roche. Une hypothèse qui ne pourra être vérifiée que par des fouilles beaucoup plus étendues. Une chose est sûre, l’église souterraine de Faye-la-Vineuse est loin d'avoir révélé tous ses secrets !

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