Solidarités

Gil Despax, président de l’association Solidarité Internationale

Depuis plus de 40 ans, une poignée de bénévoles sont mobilisés pour expédier aliments et équipements vers l’Europe de l’Est et en Afrique. Rencontre avec Gil Despax, cheminot à la retraite qui anime avec sa compagne Catherine Leproust l’une – si ce n’est la plus ancienne - association humanitaire d’Indre-et-Loire.

Comment est née l’association ?

Officiellement elle est née en 1987 avec le dépôt des statuts mais nos premières actions datent de 1981 à destination de la Pologne. Deux ans avant nous avions rencontré un Polonais qui venait tous les ans en Touraine comme travailleur saisonnier et nous avions sympathisé. Et quand il nous racontait comment ça se passait dans son pays avec les pénuries, les difficultés de toutes sortes, on lui a dit qu’on pouvait l’aider. En 1981, en pleine période du mouvement Solidarnosc (le syndicat ouvrier qui s’opposait au régime communiste de l’époque), il nous a demandé si on pouvait faire quelque chose pour la population. On a commencé à collecter des vêtements, de la nourriture et des médicaments. Le premier convoi est parti en janvier 1982 et nous étions du deuxième en avril 1982, nous sommes partis avec deux camionnettes. Quand l’association a été créée officiellement en 1987, nous en avions déjà fait sept voyages.

Quels souvenirs gardez-vous de ces premiers voyages ?

C’était l’époque du rideau de fer, il fallait traverser l’Allemagne de l’Est pour arriver en Pologne. On n’a jamais eu de gros problèmes puisque nous avions des visas mais parfois, au passage de la frontière, il y a eu des moments un peu tendus. Une fois, un jeune officier un peu zélé et très méfiant a fait vider un 38 tonnes, on est resté 24 heures à la frontière ! En Pologne, comme les autorités savaient que nous avions des contacts avec les membres de Solidarnosc, ils étaient méfiants mais globalement ils toléraient notre action même si nous étions très surveillés. Mais la Pologne était la grande cause à l’époque, on ne parlait que de ça, il y avait un comité d’action pour la Pologne en Touraine, par exemple.

Par la suite, vous avez élargi le champ d’action de Solidarité Internationale à d’autres pays, lesquels ?

Nous étions en contact avec le syndicat des pharmaciens d’Indre-et-Loire car nous avions constaté un manque criant de médicaments en Pologne. A l’époque, les pharmacies géraient encore les stocks de médicaments non utilisés et pouvaient nous les donner, il valait mieux qu’ils soient utilisés là-bas plutôt que détruits ici. Ce n’est plus possible depuis 2007 mais cette filière d’approvisionnement en médicaments a été très importante pour nous. Nous avions noué un partenariat avec l’association Aviation Sans Frontière. Les équipages des vols réguliers prenaient avec eux des boîtes de médicaments et les acheminaient partout dans le monde, nous avons pu expédier des colis dans près de 60 pays, en Afrique, à Madagascar, au Vietnam etc. grâce à cette association. Et ça ne coûtait rien à personne, on était fier de ça.

Quelle était votre motivation initiale ?

Justement apporter des médicaments, des vêtements ou des denrées alimentaires qui n’étaient pas utilisées ici à des pays qui en avaient vraiment besoin. Il y a tellement de choses qu’on gaspille ici alors qu’ailleurs il manque de tout, ça nous révoltait. Il faut voir le dénuement dans certains pays, nous l’avons constaté en Afrique notamment, c’est terrible et ici on gaspille tellement… ça évolue ces dernières années, on fait plus attention et on gaspille moins, mais il y a tout de même quelque chose de révoltant dans cette inégalité d’accès à certains biens… Les statuts de l’association récapitulent les trois axes de nos actions en trois mots : NOURRIR – SOIGNER - EDUQUER.

Après 2007 et l’arrêt de la filière des médicaments, vous avez eu une autre opportunité...

Oui, en 2009, nous avons rencontré les propriétaires de l’hôtel Mercure de Blois qui nous ont proposé de récupérer le mobilier qu’ils changeaient. Depuis nous avons récupéré le mobilier d’une quinzaine d’hôtels pour les expédier en Afrique principalement mais aussi en Roumanie. Il faut mobiliser 20 à 30 personnes pour vider un hôtel d’une centaine de chambres en deux ou trois jours et remplir trois containers, c’est sportif. La dernière opération de ce type date de début 2020 avant le Covid à Saint-Jean-de-Luz. Nous mettons les équipements à disposition, mais c’est notre partenaire, généralement une association dans le pays d’accueil qui doit prendre en charge le transport sur le principe de l’échange « don contre transport ». On n’a jamais pris en charge le transport car c’est trop cher pour une petite association comme la nôtre.

Aujourd’hui où est en Solidarité Internationale ?

On voudrait trouver des gens qui prennent le relais pour faire perdurer l’association mais c’est un mode de fonctionnement particulier puisqu’il y a beaucoup de logistique et cela repose sur la débrouille, les copains, les réseaux et ce n’est pas facile pour quelqu’un de l’extérieur de trouver ces ressources. Et puis physiquement, vider un hôtel ça demande de l’énergie et on vieillit. Il faudrait que des gens plus jeunes nous rejoignent avec d’autres méthodes pour faire évoluer l’association car il y a encore tant de besoins, d’actions à mener, il faut passer le relais…

Quels sont vos souvenirs les plus marquants de ces 41 ans d’actions ?

Pour moi, c’est la première traversée de l’Allemagne de l’Est en 1982, c’était incroyable. Il y a aussi l’Angola à la toute fin des années 90 en pleine guerre civile avec des réfugiés partout dans la capitale, Luanda. Pour travailler, c’était impossible, rien n’avançait, ce séjour nous a marqué à vie car on a vu ce qu’était l’Afrique des déshérités…

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