Culture

Hôtel Goüin, le « rescapé »

Rare vestige de la Renaissance à Tours, cet hôtel particulier a bien failli disparaître à tout jamais sous les obus de la Seconde Guerre mondiale. Si sa façade a miraculeusement survécu (ainsi que la tour d’escalier), elle a nécessité de spectaculaires restaurations – y compris récemment –, tandis que la majeure partie du bâtiment a dû être reconstruite. C’est aujourd’hui un lieu d’exposition très couru.

Juin 1940 : les combats sur le passage de la Loire font rage. L’artillerie allemande, depuis les coteaux de Saint-Cyr et Saint-Symphorien, pilonne le centre de Tours. Les canalisations étant coupées, il n’est pas possible d’éteindre le feu, qui embrase tout le quartier. Les dégâts sont nombreux et irréversibles. La bibliothèque municipale, l’une des plus riches de France, est détruite. De l’Hôtel Goüin (avec le tréma sur le u !), il ne reste que la façade sud – et encore, dans quel état – et la base de la tour d’escalier. Les Allemands apposeront tout de même à l’entrée un panneau signifiant qu’il ne faut pas détruire ce monument historique... qui sera officiellement classé en tant que tel l’année suivante, en 1941. « Il était encore occupé en usufruit par la famille Goüin, rappelle Claude Bouger, chargée du suivi des collections au service des Musées et Monuments du Département. Mais il avait été légué au début du XXe siècle à la Société archéologique de Touraine (SAT) pour qu’elle en fasse un musée archéologique. » Or, devant déjà gérer l’hôtel Babou de la Bourdaisière, place Foire-le-Roi, la SAT n’en avait pas encore réellement pris possession.

Le classement de l’Hôtel aux Monuments historiques conduira, grâce aux fonds attribués pour réparer les dommages de guerre, à sa restauration, sa reconstruction même, durant dix ans, à l’issue du conflit. « Dans le but d’abriter un musée, avec ces grands espaces que l’on parcourt aujourd’hui. Il a ouvert en 1963, mais n’étaient alors exposées que des œuvres de la Renaissance. Toute la collection de la SAT a été ramenée à l’Hôtel Goüin au début des années 70. » Cédé au Département pour le franc symbolique en 1977, l’Hôtel Goüin est resté musée de la SAT jusqu’en 2007, quand ont débuté de grands travaux destinés à restaurer ses décors et à le moderniser. Des aménagements qui ont donné lieu à des fouilles fructueuses, avec la découverte, sous la cour, d’un puits et d'une maison longue du XIIe siècle. Des vestiges de murs gallo-romains ont aussi été retrouvés, l’endroit ayant servi d’entrepôt à l’époque antique.

Siège d’une banque

La réouverture, en 2015, a été accompagnée d’un changement : désormais, l’Hôtel Goüin serait dédié à des expositions temporaires et gratuites d’art souvent contemporain (il y a quelques exceptions). Un contraste qui fonctionne parfaitement entre la modernité des œuvres montrées au grand public, visiblement friand (50 000 entrées en 2022), et ce monument dont l’origine remonte à la fin du XVe siècle, mais dont la façade que nous connaissons, avec ses trois avant-corps à loggias et terrasses, date du début du XVIe (1510) et témoigne de la première Renaissance, avant même le château d’Azay-le-Rideau. « Une transformation radicale par rapport à la façade précédente, ajoute Mme Bouger, que l’on attribue à la famille Gaudin », et plus précisément, selon l’archéologue Samuel Riou, à Nicolas Gaudin, qui fut maire de Tours. Ce ne sera pas le seul maire de la ville à résider entre les murs du célèbre et bien en vue hôtel particulier. Parmi les propriétaires successifs, on relève un certain René Gardette, premier édile de 1559 à 1561. Il y aura aussi des échevins, des marchands, un conseiller du roi, jusqu’au banquier Henri-François Goüin, en 1738. On doit à cette famille, qui donnera son nom au monument, de grands travaux d’aménagement, notamment l’édification du portail et la modification de la façade nord. La banque était d’ailleurs située ici-même. « On peut remarquer, indique Claude Bouger, lorsque l’on arrive dans la cour, une porte décorée, avec une grille : c’était l’entrée de la banque. » Très fréquentée, si l’on en juge par l’usure des marches !

 

À noter sur vos tablettes :

Jusqu’au 27 août : « Rêves bleus », par l’artiste surréaliste belge Olivier Lamboray.

Octobre-janvier 2024 : exposition d’art premier, sur le thème de la magie, avec des objets en provenance d’Amérique, d’Océanie, d’Afrique du Sud.

Janvier-février 2024 : exposition de l’Artothèque, collectif d’une quarantaine d’artistes locaux.

 

25, rue du Commerce, à Tours – ouvert du mercredi au dimanche, de 14 h à 19 h l’été (18 h dès la rentrée).

Entrée libre.

 

Photo : V.Liorit

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