Culture

La lanterne de Rochecorbon

Elle se dresse, solitaire, sur la falaise du coteau, frêle sentinelle énigmatique qui semble veiller sur la Loire depuis des temps immémoriaux. Difficile d’imaginer que cet édifice de 10 mètres de haut, d’apparence aussi fragile, est le seul vestige d’une forteresse...

Plus précisément, c’est, on le suppose, d’abord une motte castrale – type de site fortifié, qui fit florès à partir du IXe siècle dans un contexte de guerre privées incessantes et de raids vikings-, qui fut érigée sur cet éperon rocheux propice à la défensive. A la fin du XIe siècle, la pierre remplaça le bois quand Thibault des Roches fit construire une forteresse alors que la rivalité entre les comtes d’Anjou et ceux de Blois pour la possession de la Touraine battait son plein. De quoi contrarier Foulques IV d’Anjou, qui vit dans cette place forte une menace et une provocation, et s’empressa d’en prendre possession. La paix revenue, le site se renforça encore avec une enceinte, puis, à nouveau au XIIIe siècle. Avec la guerre de Cent Ans, le château devint encore un enjeu majeur, occupé quelques temps par les troupes anglaises. Mais les propriétaires ultérieurs se désintéressèrent du château qui se dégrada au fil des années et des siècles, jusqu’à sa vente, comme bien national en 1789. Il ne resta alors que la lanterne orpheline, qui s’élevait parmi les ruines.

Phare ? Tour de Guet ? Nid d’aigle ?

Une lanterne à laquelle on prêterait volontiers une allure antique, mais dont la construction est estimée au XVe siècle. Mais les avis divergent et d’aucuns la datent de la fin du XIe siècle. Sa destination et les raisons de son édification restent également incertaines. Comme souvent, les légendes se mêlent à l’Histoire et la tour, racontait-on, fut construite à l’endroit où un aigle, abattu par le chevalier Robert de Brenne au XIIIe siècle, finit sa chute. On lui prête également le rôle d’un phare, qui guidait les bateliers de Loire, ou bien celui d’une lanterne des morts, sans qu’aucune de ces vocations ne soit définitivement prouvée, à moins, encore, qu’il ne s’agisse que d’une tour de guet. Les plus facétieux pourraient suggérer que la lanterne était alimentée par la Pile de Cinq-Mars… Quoiqu’il en soit, l’édifice pittoresque a inspiré quelques artistes, comme les peintres Pierre-Henri de Valenciennes, Antoine Rougeot ou encore William Turner, et l’étrange petit monument ne pouvait échapper à Balzac, qui l’évoqua dans trois de ses romans.

La lanterne pourrait encore servir de modèle aux artistes paysagers, mais son existence devient précaire, malgré les travaux de consolidation. Le fragile coteau de tuffeau, poreux et sensible au gel, s’effondre régulièrement, sapant son assise, et il est à craindre que, tôt ou tard, la lanterne dévalera la falaise. Mais, pour l’heure, on peut encore profiter des Journées du patrimoine pour aller voir le monument d’un peu plus près et imaginer encore d’autres histoires...

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