Culture

La poire tapée : un retour réussi

Populaire jadis, avant d’être rayée de la carte, la poire tapée, emblème gourmand de Rivarennes, a été sortie des oubliettes il y a 35 ans. Depuis, les particuliers s’en régalent et les chefs cuisiniers lui font une belle place sur leurs menus.

Dégustée telle quelle, nature, ou réhydratée au vin rouge ou blanc (ou au jus de pomme-poire), elle peut suffire au bonheur des gourmands. Mais ceux qui ajoutent à leur joli défaut celui de la curiosité risquent de rester sur leur faim. Car la poire tapée est riche d’une véritable histoire. Pour la découvrir, le mieux est de se rendre à la bien nommée Maison de la Poire tapée, installée depuis cinq ans dans un ancien atelier municipal réhabilité du bourg de Rivarennes.

Avec la « platissouère »

C’est ici que bat, depuis toujours, le cœur de la poire tapée, spécialité on ne peut plus locale et vrai savoir-faire. Mais comment s’y prend-on pour obtenir ce fruit sec à partir d’une poire normale ? Traditionnellement, il faut commencer par éplucher les poires, avant de les mettre au four à bois (deux à trois jours), posées sur des claies, queues en bas pour qu’elles ne brûlent pas. À la sortie, on les passe à la « platissoire » (ou « platissouère »), un instrument typique de Rivarennes, pour qu’elles deviennent bien plates, sans qu’il ne reste à l’intérieur la moindre trace d’air ni d’humidité. Car c’était bien le but de nos anciens lorsqu’ils « platissaient » – et non pas « aplatissaient » ! – les poires : « C’était pour les conserver, indiquent Colette Jouet et Valérie Abbes, respectivement secrétaire et salariée de l’Association de la Poire tapée. Le principe était de déshydrater totalement les poires (elles perdent ainsi 1/7e de leur poids), ce qui permettait de les conserver longtemps, puis de les réhydrater en temps voulu. Aux XVIIIe et XIXe siècles, cela assurait aux paysans un peu de revenus. Les poires tapées ont pris leur essor à cette époque, jusqu’à être commercialisées à Paris par les frères Bertrand. Elles y étaient transportées par bateau. De là, elles partaient ailleurs en Europe. » En 1903, l’épicier parisien Félix Potin en a vendu 4,5 tonnes ! Et pourtant, dès 1930, on n’en trouvait plus nulle part. « Entre temps, d’autres moyens de conservation étaient apparus, comme la stérilisation, un procédé simple. Les fours avaient disparu, car les gens ne faisaient plus le pain chez eux, ils allaient chez le boulanger. »

Du nouveau en octobre

On n’en trouvait plus, mais leur souvenir subsistait. En 1987, le maire de Rivarennes, Norbert Cochard, un instituteur, Georges Bréchat, et un agriculteur, Narcisse Guillon, entreprirent de relancer la poire tapée qui avait fait la renommée de leur commune. L’association fut créée et, après un essai infructueux – les fruits avaient brûlé ! – le tour de main était pris. Depuis, la poire tapée, qui compte trois producteurs à Rivarennes, est bien en place dans les placards à victuailles des particuliers et au menu des grands restaurants (l’auberge étoilée Pom’Poire, à Azay-le-Rideau, notamment). Lorsque la version réhydratée au vin rouge accompagne une viande rouge, au vin blanc une viande blanche ou un poisson, au jus de pomme-poire un dessert, on arrive à l’accord parfait...

Grâce à la Mission Patrimoine, au Conseil départemental et à la communauté de communes, l’association est en train de reconstruire un four, derrière la Maison, qui fonctionnera comme autrefois, au bois. Livraison prévue en octobre. Le 31 de ce même mois, la Maison clôturera la saison touristique, car il sera temps pour ses membres (70 au total) d’éplucher les cinq tonnes de poires attendues et, après l’étape du four, d’actionner leurs sept platissoires !

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