Culture

« La Richelaise », l’autorail des tourangeaux

C’est une histoire comme on les aime, de celles qui touchent au cœur les habitants de tout un territoire. À Richelieu a été inauguré récemment un autorail baptisé « La Richelaise ». Propriété du Conseil Départemental d’Indre-et-Loire, ce véhicule ferroviaire automoteur des années 40, classé Monument Historique en 1997, a fait l’objet d’une longue restauration et est désormais exposé dans une halle aux marchandises, elle-même remise en état par la Communauté de Communes Touraine Val de Vienne. La renaissance de « La Richelaise » constitue l’aboutissement d’un vaste projet lancé en 2014 pour réhabiliter la voie ferrée Richelieu-Chinon en voie verte. Découverte d’une pépite ferroviaire, précieux témoin de notre passé industriel.

Un patrimoine éminemment local

En 1938, la nationalisation des chemins de fers contraint de nombreuses lignes secondaires françaises à fermer, notamment pour le transport de voyageurs. En Touraine, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la commission des cadres militants de la fédération nationale des cheminots revendique la réouverture de la ligne départementale Richelieu/Ligré-Rivière, indépendante du parc SNCF, et confie aux Établissements Billard de Tours, la fabrication d’un nouveau véhicule de transport, tout à la fois économique à l'usage, léger, simple à fabriquer et à entretenir.

Il faudra plusieurs prototypes (le X8011 baptisé « La Touraine » et le X8012 « L’Aveyron »), avant d’aboutir au modèle X8013 « La Richelaise », un véhicule de 12 m de long, 3 m de large et 3.5 m de hauteur pour un poids de 12 tonnes. Constitué d'un châssis caisse-poutre à deux essieux, soudé entièrement à l'arc électrique et rivé, en acier, de 2950 kg, il est équipé d’un moteur diesel (le Panhard 4 HL de 80 CV) et sa consommation de carburant est de 18 litres aux 100 km pour une vitesse maximale de 65 km/h. « La Richelaise », qui pouvait accueillir 32 voyageurs assis et 25 debout si nécessaire, était alors exploitée par un agent unique, à la fois conducteur et « receveur » : un véritable gain de temps.

« La Richelaise » circulera sur la voie départementale Richelieu/Ligré-Rivière jusqu’en 1960. La ligne est alors fermée, probablement en raison d’un nombre de voyageurs insuffisant. Longtemps, le petit autorail restera sur le site de la gare de Richelieu, servant même de lieu de tournage. Dégradée au fil du temps, « La Richelaise » sera déplacée temporairement à Thouars, dans la Vienne, sous la surveillance d’une association.

La renaissance

En 2016, alors que le projet de création de la voie verte Richelieu-Chinon est lancé, « La Richelaise » fait l’objet d’une étude auprès d’un expert ferroviaire du Ministère de la Culture, puis d’un appel d'offres. Le souhait du Conseil Départemental et de la Communauté de Communes Touraine Val de Vienne (CCTVV) est alors de pouvoir remettre en état l’autorail pour l’exposer (aucune reprise de circulation n’est envisagée) près de la gare de Richelieu et ainsi conforter l’attractivité touristique de la voie verte en conservant la mémoire du rail.

Côté restauration, c’est la Compagnie Internationale des Trains Express à Vapeur (CITEV), située à Saint-Jean-du-Gard (30), qui est retenue pour les travaux. Dotée d’un savoir-faire unique et d’une solide expérience dans la réparation de trains en France et en Europe, la CITEV exploite depuis 30 ans le train à vapeur des Cévennes. Il ne faudra pas moins de neuf mois et 113000 € d’investissement (financé pour moitié par l’État via la DRAC et pour moitié par le Conseil Départemental d’Indre-et-Loire, propriétaire de l’autorail) pour remettre en état le petit véhicule, transporté par convoi exceptionnel depuis Thouars en novembre 2020. Carrosserie, peinture, sièges, vitrail, installation électrique et mécanique : rien n’est laissé au hasard.

Côté exposition, c’est une halle aux marchandises située à 100 m de la gare de Richelieu qui est retenue par la CCTVV pour accueillir « La Richelaise ». Ce bâtiment du 19e siècle, à l’ossature en bois, permettait alors au bétail et aux marchandises d’être acheminés directement dans les véhicules de transport par un système de quai surélevé qui longe le rail.

Un véhicule unique en France

Installée dans la halle en septembre 2022, « La Richelaise » a bien vite attiré le public, nostalgique du petit autorail. « Impossible d’être discret pour l’installation. Dès que « La Richelaise » est revenue, les tourangeaux lui ont fait bon accueil. Nous avons rencontré des gens qui se souviennent l’avoir empruntée, et même un jeune homme qui nous a parlé de son grand-père, conducteur de l’autorail dans les années 50 » confie la Communauté de Commune Touraine Val de Vienne. « C'était un événement ». Un engouement qui rappelle l’importance de la conservation du patrimoine industriel et qui témoigne d’un triple intérêt : corporatif et syndical tout d’abord, du fait de la création de l’autorail, plutôt inédite ; historique ensuite, puisque que ce véhicule est inscrit dans le passé de nombreux tourangeaux ; technique enfin car « La Richelaise » est unique en France, l’autre exemplaire connu ayant été transformé pour un autre usage.

Inauguré le 23 octobre dernier en présence de nombreux élus et nostalgiques, « La Richelaise » peut désormais être admirée librement, toute l’année, à travers les parois de verre de la Halle aux marchandises. Des supports de médiation avec pupitres permettent aux visiteurs d’apprécier la restauration unique de cet autorail, qui s’inscrit dans la politique de sauvegarde initiée par le Conseil Départemental : rendre plus lisible le patrimoine local pour transmettre la mémoire d’un territoire. Nul doute que notre petite « Richelaise » qui vient de renouer avec 75 ans d’histoire continuera de susciter l’émotion chez les tourangeaux.

Désormais, tout commence à Chinon, au pays de Rabelais, ou à Richelieu, cité du Cardinal ! Traversant une terre de vin, truffe, asperges, safran et fromage, l’histoire se raconte, en vélo et en numérique, avec ses anciennes gares ferroviaires restaurées, ses stations thématiques, le château-jardin du Rivau, l’étang d’Assay, ancien site piscicole restauré par le Département, la chapelle royale de Champigny sur Veude et pour finir, la Richelaise dans son écrin d’ocre et de lumière.

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