Culture

Le château de Richelieu, rêve du Cardinal

Avec son plan en damier, ses portes monumentales et ses longues allées rectilignes bordées d’hôtels particuliers, la commune de Richelieu est un précieux témoignage de l’urbanisme du XVIIe siècle. Cette petite cité de caractère, construite pour loger la cour d’Armand Jean du Plessis (1585-1642), plus connu sous le nom de Cardinal de Richelieu, comptait également au sud un vaste château, dont ne subsiste aujourd’hui que le parc, ceint de 7 kilomètres de mur. Zoom sur ce joyau disparu du patrimoine tourangeau.

Le plus grand château de France

En 1631, Louis XIII fait ériger en duché la seigneurie de Richelieu, son fidèle ministre, en remerciement de ses services. Ce domaine, où le Cardinal a passé sa prime enfance, ne compte alors qu’un petit castel et quelques dépendances. Richelieu décide d’y faire bâtir un somptueux château de 500m de long, le plus grand de France à cette époque, et en confie les plans à Jacques Lemercier, architecte du roi et auteur de la Sorbonne et du Palais-Royal (anciennement Palais-Cardinal). En parallèle de la construction de cette somptueuse bâtisse et de ses jardins, est érigée une « cité idéale » selon un plan en damier rectangulaire de 620 m par 390 m. Entourée de douves et de remparts, elle se compose d’une artère principale, de deux places symétriques et de 4 portes monumentales. Qualifié de « plus beau village de l'univers » par Jean de la Fontaine, cet ensemble de constructions préfigure le vaste chantier de Versailles (Louis XIV visitera d’ailleurs le château à deux reprises en 1650 et en 1660). Près de 2000 ouvriers vont se relayer pour réaliser le rêve du Cardinal, quasiment achevé à sa mort en 1642.

La démolition, pierre par pierre

Après la Révolution, le duc de Richelieu, arrière-petit-neveu du Cardinal et ancien Premier Gentilhomme de la Chambre du Roi, émigre à Saint-Pétersbourg. Ses biens sont confisqués et le château vidé des collections d’œuvres d’art du Cardinal, vendues ou cédées à des musées (Musées du Louvre et de Versailles, Musées des Beaux-Arts de Tours et d’Orléans…). En 1804, le domaine, très endommagé, est restitué par Napoléon Ier aux héritiers de Richelieu qui le vendent, 1 an plus tard, au marchand de biens Alexandre Boutron. Ce dernier entreprend alors de morceler le parc et de démolir le château pierre par pierre pour en revendre les matériaux. M. Laurence, achètera d’ailleurs une partie du parc en 1852 pour y faire construire une grande demeure appelée "le petit château", toujours visible aujourd’hui. En 1877, le banquier parisien Michel Heine, beau-père du septième duc de Richelieu, achète le domaine et entreprend de le remettre en état. Le dernier duc, Armand, marquis de Jumilhac, mort sans descendance, lèguera le domaine en 1930 à l’Université de Paris, en souvenir du Cardinal, Proviseur et Rénovateur de la Sorbonne.

Dans les fraîches allées du parc

Si la « cité idéale » de Richelieu, classée et inscrite dans un périmètre de protection, bénéficie d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur depuis 1997, ne subsistent aujourd’hui dans le parc que peu de vestiges du château. En pénétrant dans les lieux par l’entrée latérale, après avoir salué la statue de Richelieu réalisée par Ramey, on découvre une longue allée bordée de marronniers qui conduit à une roseraie, ancien emplacement du corps principal du château. Quelques jalons architecturaux marquent encore la visite : l’entrée d’honneur, l’ancien manège aux chevaux (appelé « le dôme » et restauré en 2019), les caves et l’orangerie. Près du dôme, une colonne d’où jaillit l’eau d’un puits artésien, alimentait jadis le château. Construits près du Mable, la cité de Richelieu et son palais possédaient leur propre réseau d’eau potable. Un système hydraulique très perfectionné, aujourd’hui encore en partie visible grâce aux nombreux canaux qui traversent le parc. Seuls témoins du rêve du cardinal, séquoias, cyprès chauves et arbres de Judée sont aujourd’hui les gardiens des lieux, décrits en ses termes par La Fontaine : « Le tout y est d’une magnificence, d’une grandeur, dignes de celui qui l’a fait bâtir »

 

photos : V.Liorit

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