Culture

Les mystérieuses momies du château d’Ussé

C’est une histoire méconnue, même des Tourangeaux les plus érudits. Une histoire qui a pour cadre le superbe château d’Ussé, ou plus précisément ses abords immédiats. À droite du monument, en effet, se trouve une niche, un écrin dans lequel se sont longtemps lovés deux grands sarcophages en provenance d’Egypte

Peut-on encore apprendre quelque chose aux Tourangeaux sur Ussé, joyau du Val de Loire, château de conte de fées dont s’inspira Charles Perrault pour y situer, comme chacun sait, sa Belle au bois dormant ? Peut-être... Car peu de gens savent qu’aux abords du monument, à droite lorsqu’on le regarde de face, subsiste le vestige d’une page insolite de son histoire. Vous remarquerez, lors de votre prochaine visite ou, en attendant, sur des vues aériennes accessibles sur Internet, une immense niche dans la terrasse dite « de Vauban ». Que pouvait-elle bien abriter ?

De la Haute-Egypte à Ussé : un périple !

La légende d’un dessin de Gaignières, daté de 1699, nous donne la réponse : « Vue de deux momies d’Egypte qui sont au château d’Ucé (sic), appartenant à M. de Valentinay, en Touraine, à dix lieues de Tours. » Mais l’arrivée en France des deux sarcophages couverts de mystérieux hiéroglyphes (la pierre de Rosette ne sera découverte qu’en 1799), de 400 kg chacun, l’un en basalte et l’autre en marbre blanc, est plus ancienne. Originaires de Haute-Egypte, où elles ont été trouvées dans une pyramide, vieilles alors de 2 300 ans, les momies ont d’abord été transportées par des dromadaires jusqu’au Caire, puis embarquées sur le Nil jusqu’à Alexandrie, avant de traverser la Méditerranée pour atteindre Cassis, en 1632. Notons que le capitaine du bateau avait pris un gros risque en les chargeant, ce genre de transport étant alors interdit !
Elles séjourneront durant seize ans chez un marchand de Marseille. On les retrouve ensuite dans la collection du surintendant Fouquet, l’un des plus riches personnages du royaume au début du règne de Louis XIV – La Fontaine, qui les remarque chez son ami au château de Saint-Mandé, compose alors un Ode au sarcophage – , avant qu’elles ne soient cédées, à la mort du précédent, au « jardinier de Versailles » (et d’Ussé) André Le Nôtre, lequel les installe dans son cabinet de curiosités. À la fin du XVIIe siècle, données par Le Nôtre à Louis II de Valentinay, receveur général des finances de Tours et marquis d’Ussé, elles arrivent enfin en Touraine, dans la niche qui leur a été réservée. On imagine la surprise des invités des propriétaires successifs du château devant ces deux géants dans leur écrin de pierre...

Au Louvre

En novembre 1778, sont mentionnées dans l’inventaire de la vente du château par la succession de Melle d’Ussé « deux momies scellées dans le mur avec barres de fer ». Survient la Révolution, et le départ vers l’étranger de nombreux nobles, dont le propriétaire de l’époque. Lors de la mise sous séquestre pour émigration, seuls des matelas, batteries de cuisine, couvertures sont enlevés. Le mobilier ecclésiastique sera saisi ensuite. (En comparant avec les deux inventaires réalisés avant la Révolution, nous constatons que la majorité des meubles qui se trouvaient alors à Ussé sont toujours présents dans le château.)

Les sarcophages, quant à eux, sont transportés à Paris, chez un particulier. Ils y resteront jusqu’en 1847, année où ils intègreront les collections du Louvre. Longtemps exposés, ils ont probablement rejoint les réserves du musée…

 

Sources :

Les momies égyptiennes de Rigny-Ussé, sur touraine-insolite.clicforum.fr

La momie et la tempête, Sidney H. Aufrère, éditions A. Barthélemy

Notes de Béatrix de Blacas

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