Culture

Les Nogaret de la Valette avaient les jetons !

Curieuse découverte faite par le Service de l’Archéologie du Département d’Indre-et-Loire (Sadil) en 2014 à Loches : un petit objet de quelques centimètres seulement, mais qui en dit long sur son ancien propriétaire. Un personnage très proche de Louis XIII...

Bienvenue au XVIIe siècle ! C’est de cette époque, celle des mousquetaires (notamment), que date la petite pièce métallique présentée par Pierre Papin, archéologue du Sadil. Une pièce, mais pas une monnaie ; un jeton de présence au conseil du roi, retrouvé lors d’une fouille réalisée sur le site d’une ancienne chapelle du château de Loches, accolée aux logis royaux. Rasée au XVIIIe siècle, elle était déjà à l’abandon au XVIIe ; les rois ne venaient plus à Loches depuis François Ier (en 1539), les logis royaux étant dès lors occupés par les gouverneurs de la région, par ailleurs capitaines du château. C’est donc à un gouverneur de Loches, conseiller du roi, qu’appartenait le jeton – sur lequel on devine le profil de Louis XIII « romanisé », coiffé d’une couronne de laurier, entouré d’une citation latine (que l’on peut traduire par « Il brille de l’éclat de son diadème »). Le conseil royal ne se tenant plus à Loches depuis bien longtemps, le propriétaire du jeton a donc perdu celui-ci lors d’un séjour dans la ville, ou l’a jeté, tout simplement. Fabriqués en laiton, frappés à des centaines ou des milliers d’exemplaires, distribués aux conseillers à chaque réunion, les jetons, ceux-là en tout cas – il en existe d’autres en or – n’étaient pas particulièrement précieux.

Un personnage central de l’Histoire de France

« On sait que ces jetons ont été frappés entre 1641 et 1643, ce sont les derniers avant la mort de Louis XIII », indique Pierre Papin. Mais qui était le gouverneur de Loches à ce moment-là ? C’est là que l’affaire se corse, car il y a deux possibilités, deux Nogaret de la Valette, un père et son fils, s’étant succédé à ce poste à cette époque.

Le père : Jean-Louis Nogaret de la Valette, l'un des principaux personnages de la noblesse française pendant trois règnes (Henri III, Henri IV et Louis XIII), maître de camp du régiment de Champagne (1579), gouverneur de La Fère (1580), colonel général des Bandes françaises, duc d'Épernon, pair de France et conseiller d’État (1581), premier gentilhomme de la chambre du roi (1582), chevalier de l’ordre du Saint-Esprit, gouverneur du Boulonnais, d’Angoulême, de Loches, de Metz et du Pays messin, de la citadelle de Lyon (1583), chevalier des ordres du roi (1584), gouverneur de Provence (1586), Amiral de France, gouverneur de Normandie (novembre 1587-mai 1588), de Caen et du Havre de Grâce. Nommé Gouverneur et Capitaine du château de Loches dès 1583, il le restera jusqu’à sa mort en 1642, alors qu’il était disgracié et exilé depuis 1638. Précisons qu’en 1619, il avait participé à l’évasion de Marie de Médicis du château de Blois et l’avait conduite à Loches, puis à Angoulême dont il était aussi le gouverneur. Ajoutons enfin, pour la petite – ou la grande – histoire, qu’il était présent dans le carrosse d’Henri IV lorsque celui-ci fut assassiné en 1610. Haute personnalité, donc !

Le mystère s’éclaircit

Le fils : également duc d’Epernon et de La Valette, Pair et Amiral de France, chevalier des ordres du Saint-Esprit, de Saint-Michel et la Jarretière. Dans le sillage de son père, il connaît la disgrâce en 1638 et s’exile en Angleterre, jusqu’en 1642. Il revient en France après la mort de son père, dont il conserve notamment la charge de gouverneur et capitaine du château de Loches. Après son retour, Bernard reçoit également la charge de gouverneur de Guyenne, plus tard celle de gouverneur de la Bourgogne. Il est notamment connu pour avoir été de 1645 à 1653, protecteur de la troupe de Molière.

« Nous avons donc un jeton frappé entre 1641 et 1643, résume Pierre Papin. Nous savons que le père, en toute fin de vie, à Loches, en 1642, est en disgrâce et que le fils, arrivé en France en 1642, est, en revanche, en retour de grâce. C’est donc très probablement à lui que le jeton de présence aurait été donné. » Cela avant son arrivée à Loches, où il fera son entrée solennelle le 6 octobre 1643.

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