Culture

Les Roches-Tranchelion : Forteresse fantôme et joyau de la Renaissance

Voilà un nom qui excite l’imagination ! S’il a pris quelques rides, que dire des murs, vénérables ruines d’un château et d’une collégiale classées aux Monuments historiques depuis 1914 ? Dire qu’ici, dans la forteresse, s’est écrite une page capitale de l’Histoire de France...

Parlons d’abord du nom : les Roches-Tranchelion. Il serait en lien avec une légende, selon laquelle un seigneur, de retour de Terre Sainte, apprit qu’en son absence, sa jeune épouse avait cédé aux charmes d’un écuyer. Il s’en remit au jugement de Dieu en enfermant l’amant prétendu tel par la rumeur dans un souterrain où se trouvait un lion enragé. Qui remporta le combat ? L’écuyer ! Qui transperça l’animal d’un coup d’épée. Monté en grade, visiblement, il fut dès lors surnommé Tranchelion et arbora sur son écu un lion percé d’une épée... Quant aux Roches, c’était le nom d’un fief, accolé à son patronyme par Guillaume de Tranchelion, seigneur de Palluau, chambellan du roi Charles VI puis du roi Charles VII, lorsqu’il en épousa l’héritière, avant 1425. Et ce n’est pas une légende...

Charles s’en va-t-en guerre

Les pans de murs à présent : c’est tout ce qu’il reste de la forteresse des Tranchelion, où se déroula un événement majeur. Le 17 juillet 1449, Charles VII y rassembla les principaux seigneurs de son royaume – dont son hôte, membre du conseil – en vue de reprendre le combat contre les Anglais. Dix mois plus tard, la reconquête de la Normandie était achevée, prélude à la fin de la guerre de Cent ans, en 1453.
On sait que le roi a logé à de multiples reprises chez son chambellan ; grand chasseur, il aimait débusquer le gibier dans les environs. Sans doute aussi y a-t-il séjourné avec sa favorite, Agnès Sorel, comme dans de nombreux châteaux de Touraine et du Berry...

Rappelons encore, autre fait historique, que se réfugia ici, temporairement, le comte de Montgomery, meurtrier involontaire du roi Henri II lors du tournoi du 30 juin 1559, avant de s'exiler en Angleterre...

Une superbe pièce de l’art religieux du XVIe siècle

Des pans de murs, c’est tout ce qu’il reste aussi, mais en plus grand nombre, et en beaucoup plus visibles, de l’église paroissiale et funéraire voisine, élevée en 1527 par Lancelot de la Touche pour abriter en sa crypte les sépultures familiales, Lancelot dont la famille avait succédé aux Tranchelion à la tête du fief. Elle s’élève fièrement à flanc de coteau, au-dessus d’un hameau, tout près du bourg d’Avon-les-Roches.

Sur cette façade, à peu près épargnée par le temps, se lit l’alliance du gothique finissant et de la Renaissance. Contreforts à pinacles, pilastres et niches à colonnettes font la joie des férus d’architecture, mais c’est surtout son arcade en tiers point, couronné par un relief de Dieu le père coiffé d’une tiare, bénissant d’une main et tenant un globe terrestre de l’autre, qui retient l’attention. L’ensemble forme une pièce majeure de l’art religieux du XVIe siècle en Touraine.

Découverte d’un trésor

De l’autre côté, c’est pratiquement le vide. De la collégiale en forme de croix latine, ne restent que de hauts murs et de fines croisées d’ogives atteignables par l’escalier à vis d’une tourelle qui menait au clocher (ascension que nous déconseillons fortement ! C’est de toute façon une propriété privée).

Les guerres de religion, la Révolution, auraient signé la petite mort de la forteresse et de la collégiale. Cependant, l’abbé Chevalier, dans un ouvrage paru en 1969, met plutôt cet abandon sur le compte d’un régisseur ignorant !

Un dernier fait rajoute au mystère et à la majesté des lieux : la découverte, en 1966, au cours d’un chantier d’aménagement mené par des bénévoles sur le site, de 214 pièces d’or françaises et espagnoles datées de 1563 à 1618... Dispersées lors de ventes, elles ont fait le bonheur des collectionneurs.

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