Culture

Philippe Néricault-Destouches, dramaturge diplomate

Il s’en fallut de peu pour que Philippe Néricault-Destouches laissât son nom dans l’histoire de la diplomatie plutôt que dans celle de la littérature. C’est, en effet, après des études au collège des jésuites de Tours, où il naquit en avril 1680, puis au collège des Quatre-Nations à Paris, et, enfin, après des études de droit qui, pourtant, ne l’enthousiasmaient guère, qu’il officia comme secrétaire de l’ambassadeur de France en Suisse. Seulement voilà, auparavant, ce fils d’un père écrivain et musicien, issu d’une famille originaire du Poitou, avait tâté des planches, comme comédien et directeur d’une troupe de théâtre...

Impertinents, maris honteux, philosophes...

En parallèle d’une carrière diplomatique qui le mènera, un peu plus tard, en Angleterre, dans le cadre des négociations pour l’élaboration de la Triple-Alliance contre l’Espagne, et qui fera ensuite de lui un ministre plénipotentiaire, Destouches, écrit d’abord des vers sur la religion puis, en 1709, une pièce intitulée « Le curieux impertinent », qui le fait remarquer en Suisse, puis en France, au point que l’œuvre est intégrée au répertoire de la Comédie française dès l’année suivante. Il y sera lui-même admis en 1723, félicité par le Régent Philippe d’Orléans. Mais dans l’intervalle, Destouches a composé six autres pièces, dont « L’ingrat », « L’irrésolu », « La fausse veuve », ou encore « L’obstacle imprévu », qui seront suivies par « Le philosophe Marié ou Le mari honteux de l’être », « Le glorieux », sans doute son plus grand succès, « La belle orgueilleuse », « Les amours de Radegonde », une pièce musicale… Au total, Destouches signera vingt-sept pièces, jusqu’à son retrait dans sa propriété de Villiers-en-Bière, dans l’actuel département de la Seine-et-Marne, où il se livrera à des essais théologiques. Une œuvre qui sera une des plus jouées à la Comédie française jusqu’au XIXe siècle, aux côtés de celles de Régnard, Dancourt, ou Voltaire, qui, s’il reconnaissait quelques qualités à Destouches, ne débordera toutefois pas d’enthousiasme pour son travail.

A l’exception de formules devenues des poncifs, telles que « les absents ont toujours tort », « chassez le naturel, il revient au galop » ou encore « la critique est aisée, et l’art est difficile », l’œuvre de Destouches est quelque peu tombée dans l’oubli. Elle fait pourtant l’objet de recherches de la part de spécialistes du théâtre, comme l’universitaire et artiste Karine Bénac-Giroux, qui lui a consacré un ouvrage, en 2011. Dans « Destouches, masques et métamorphose du moi », l’autrice souligne « l’anatomie morale » et la « déconstruction du moi social » dans la société de cour, à laquelle se livre le dramaturge. « Que la distinction entre vice et vertu y devienne souvent impossible, tellement se mêlent au sein des actions et des discours d’un même personnage, intérêt personnel et intérêt pour autrui, n’est pas le moindre des enjeux de cette œuvre dramatique étonnante », écrit la chercheuse. Rapporté au champ géopolitique, on pourrait voir également, dans cette courtoise réciprocité d’intérêts bien sentis, une rapide définition des relations diplomatiques… François Néricault-Destouches s’est éteint à Villiers-en-Bière en 1754.

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