Culture

Sacré Alcuin !

Si les enfants français ont longtemps maudit Charlemagne, censé avoir eu l’idée folle un jour d’inventer la torture scolaire, c’est, plus précisément, au moine Alcuin, qui a donné son nom au collège de Cormery, qu’ils doivent leurs souffrances. Ce natif du Yorkshire bénéficia d’une formation au sein de l’école d’York à la réputation d’excellence, où il brilla au point d’en devenir le directeur. Mais c’est Charlemagne qui saura le mieux utiliser les talents du moine, en faisant de lui une sorte de « super ministre » de l’Education et de la Culture. Des compétences exercées également à Saint-Martin de Tours, qui contribuera considérablement à la Renaissance carolingienne.

Le prof particulier de Charlemagne

Si Charlemagne souhaita qu’Alcuin prenne en charge l’abbaye tourangelle, c’est que cet érudit, grammairien, qui passe alors pour l’un des plus cultivés de son temps, avait gagné l’estime de l’empereur après sa rencontre avec lui à Rome en 781. Charlemagne l’invita ensuite à Aix-la-Chapelle, dont il entendait faire le centre de gravité du savoir et de la culture de la chrétienté, et qui accueillait les plus grands esprits de l’époque. Là, Alcuin organisa une école - dite Académie palatine – où étaient formés les fils de l’Empereur, ainsi que ses filles dont il fut le précepteur, et de la noblesse franque. Un modèle qu’il reproduisit dans d’autres abbayes et monastères, où il élabora des méthodes éducatives pour l’enseignement notamment de l’arithmétique, de la géométrie, de la musique et de l’astronomie… Cette école, Alcuin la voit comme une « nouvelle Athènes », qui surpasserait même son modèle. A Aix-la-Chapelle, l’élève le plus proche d’Alcuin fut Charlemagne lui-même, qui, alors, savait tout juste lire et écrire. Mais celui-ci, assidu, ira, dit-on, jusqu’à réveiller son professeur en pleine nuit pour résoudre un problème de mathématiques. En 789, l’empereur, dans son Admonitio generalis, réaffirmera sa volonté « que les prêtres attirent vers eux non seulement les enfants de condition servile, mais aussi les fils d'hommes libres. Nous voulons que des écoles soient créées pour apprendre à lire aux enfants. »

Un scriptorium renommé.

A Tours, où il est envoyé en 796, Alcuin met à contribution les moines copistes et le scriptorium ne chôme pas. De nombreux livres peints sont ainsi reproduits qui alimentent généreusement la bibliothèque et Saint-Martin devient l’un des foyers les plus actifs de la  « Renaissance carolingienne ». Les bibles que l’on y produit sont des modèles du genre, notamment par le soin apporté à la minuscule caroline, dont l’usage se généralise. Une rigueur avec laquelle Alcuin ne transige pas, comme le montre l’avertissement qu’il fit graver à la porte du scriptorium, et qui laisse à penser que les heures de colle devaient voler bas : « Qu'en ce lieu s'asseyent ceux qui reproduisent les oracles de la loi sacrée, qu'ils se gardent de toute parole frivole, de crainte que leurs mains, elles aussi, n'errent parmi les frivolités ; qu'ils s'efforcent de rendre corrects les livres qu'ils exécutent, et que leur plume suive le droit chemin ».

En Touraine, Alcuin développa également le monastère de Cormery, rattaché à Saint-Martin, fondé par Ithier quelques années auparavant, qu’il fit élever au rang d’abbaye. Il y fit venir de Gothrie une vingtaine de moines, mais la reconstruction des bâtiments en conformité avec le modèle bénédictin ne sera réalisée qu’après sa mort. Après une vie bien remplie, Alcuin s’éteint à Tours en 804.

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