Culture

Agnès Sorel, l’influenceuse

Sous les pinceaux de Jean Fouquet, elle prend l’apparence d’une vierge à l’enfant dénudée, véritable icône de beauté du Moyen-Âge. Mais ce portrait coloré, aujourd’hui ancré dans les mémoires, est loin de refléter toutes les facettes de la personnalité d’Agnès Sorel. À l’occasion du sixième centenaire de sa naissance, la Cité Royale de Loches consacre une exposition exceptionnelle à la favorite du roi Charles VII. Rencontre avec une « influenceuse » d’un autre temps, dont la réputation a traversé les siècles.

La première favorite officielle de l’Histoire de France

Née en 1422, Agnès Sorel est issue d’une famille noble. Si son lieu de naissance et son enfance sont peu documentés, on sait cependant que la jeune fille a grandi en Picardie où elle a reçu une éducation soignée. À l’âge de 12 ans, Agnès devient demoiselle de compagnie d’Isabelle de Lorraine, épouse du roi René. Ces années passées dans la haute aristocratie angevine vont forger l’éducation culturelle et mondaine de la jeune femme. Très vite, sa grâce, son intelligence et son tempérament marquent les esprits et facilitent son intégration à la cour d’Anjou, alors bien plus fastueuse et éclairée que la cour de France.

À l’âge de 21 ans, Agnès Sorel rencontre le roi Charles VII, beau-frère du roi René. Le souverain de 19 ans son aîné est immédiatement conquis par sa beauté et son esprit brillant. Charles VII la fait nommer demoiselle d’atours de son épouse Marie d’Anjou et la présente bientôt à la cour comme sa favorite officielle. À partir de 1444, Agnès Sorel réside régulièrement à Loches et poursuit les travaux initiés au logis royal. Pendant près de sept ans, le couple va vivre une grande histoire dont naîtront trois filles, légitimées par Louis XI. Morte en couche à l’âge de 28 ans, la jeune favorite est inhumée dans la Collégiale de Loches avec tous les égards dus à son rang de duchesse, titre qui lui est accordé post-mortem par le roi.

Celle qui bouleverse les codes

Lettrée et cultivée, Agnès Sorel connaît le latin et partage avec Charles VII son goût pour la conversation. Dès leur rencontre, la jeune Agnès va jouer un rôle très important à la cour de France, notamment en intégrant de nouveaux conseillers dans l’entourage du roi. Ainsi placée au cœur des échanges politiques, elle contribue à la reconstruction du royaume.

L’austérité de la cour, provoquée par les épreuves de la Guerre de Cent Ans, contraste avec le caractère jovial de la jeune femme qui impose ses propres codes, notamment en matière de mode. Décolletés profonds, traines interminables, coiffures sophistiquées bousculent les usages. Elle introduit également la notion d’hygiène à la cour et transfigure sa beauté naturelle en élaborant toutes sortes de produits cosmétiques à partir de plantes.

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Avec sa personnalité singulière, Agnès Sorel s’attire rapidement les foudres des hauts dignitaires religieux. Partagée entre son éducation spirituelle et son statut de favorite, celle qui s’identifie à Marie-Madeleine accorde d’importantes donations à l’Église et lèguera même ses biens à la collégiale de Loches. C’est d’ailleurs dans le latéral gauche de l’église que l’on peut aujourd’hui admirer son magnifique gisant de marbre.

De l’histoire à la légende

La Cité Royale de Loches, propriété du Conseil Départemental d’Indre-et-Loire, fait partie des sites emblématiques du Val de Loire et propose un parcours scénographique complet qui témoigne de la richesse de son histoire. Du donjon de l’an mil au logis médiéval, maquettes tactiles, animations vidéo et jalons sonores plongent le visiteur dans la vie de la Cité, à la rencontre de ses illustres occupants, parmi lesquels Agnès Sorel.

Renouveler l’image et la connaissance de la favorite en lui redonnant toute sa place dans l’histoire, c’est tout l’objet de l’exposition « Agnès Sorel : l’influenceuse » qui se tiendra du 9 avril au 6 novembre 2022 à la Cité Royale de Loches. Si le titre de cette exposition, volontairement accrocheur, résonne particulièrement aux jeunes oreilles du XXIe siècle, il témoigne d’une volonté double : évoquer l’influence d’Agnès Sorel sur la cour et questionner la notion d’image dans l’iconographie posthume de la favorite. Car malgré sa courte vie, la légende de la Dame de Beauté s’est forgée au fil des siècles, notamment à travers l’art et la littérature qui l’ont tantôt dépeinte comme une pécheresse sulfureuse, tantôt comme une sainte, à l’image de Jeanne d’Arc à laquelle on l’identifie.

Riche en peintures, sculptures, objets d’art, documents d’archives et pièces d’arts graphiques, l’exposition propose six thématiques qui passent en revue la formation d’Agnès Sorel, son entourage, son influence auprès du roi, ses résidences, les nouveaux usages qu’elle introduit à la cour et les résultats de l’étude paléopathologique menée sur ses ossements en 2005. Agrémentée de visites commentées, de conférences, d’ateliers pour les plus jeunes et même d’un escape game, l’exposition cherche à restituer le véritable visage d’Agnès Sorel. Celui d’une femme alliant la beauté à l’esprit et dont la personnalité et le savoir-vivre ont marqué la vie culturelle et politique du XVe siècle.

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