Culture

Armand Jean Le Bouthillier de Rancé

Né à Paris en 1626, d'une mère secrétaire particulier de Marie de Médicis et d'une famille habituée de la cour du roi, Armand Jean Le Bouthillier de Rancé avait, en outre, pour parrain, le cardinal de Richelieu. Parmi les nombreuses possessions de sa famille, le château de Véretz fut acquis par celle-ci en 1637. Bref, Rancé est né coiffé. Mais il eut un drôle de destin, qui inspira notamment Chateaubriand et Saint-Simon.

Sa vocation n'allait pas de soi. D'abord destiné à une carrière militaire, c'est son frère qui devait entrer dans les ordres. Mais ce dernier mourut prématurément et Rancé, à onze ans, devint chanoine de la cathédrale de Notre-Dame de Paris. Comme commendataire de cinq monastères et, quoique laïc, il peut en recevoir une partie des bénéfices. Plus tard, brillant élève, il obtiendra sa licence puis un doctorat à la Sorbonne et sera ordonné prêtre en 1651.

Un épicurien

Mais Rancé n'est pas du genre à donner un tour ascétique à son sacerdoce, et le moins que l'on puisse dire, c'est que ses modèles ne se trouvent pas parmi les ermites. Riche, il goûte à loisir aux plaisirs terrestres et sa vie, censément spirituelle, s'accommode très bien des fastes mondains. A en croire Chateaubriand, « il parut dans le monde avec plus d'éclat qu'il n'avait jamais fait : un plus gros train, un plus bel équipage, huit chevaux de carrosse des plus beaux et des mieux entretenus, une livrée des plus lestes ; sa table à proportion.» On lui prête également un penchant certain pour la gente féminine. Il s'éprend d'ailleurs de la belle Marie d'Avaugour, duchesse de Montbazon, malgré leur différence d'âge. Il a 24 ans, elle en a 40 mais n'est pas moins hédoniste que son jeune amant. Leur relation durera dix ans, interrompue par la maladie et la mort rapide de la duchesse, en 1657. Il se dit que ce jour-là, Rancé fut prévenu alors qu'il chassait à Véretz et trouva le corps de sa maîtresse décapité. Trop grande pour le cercueil, les chirurgiens auraient ainsi ajusté la duchesse à la bière. Mais la véracité de cette version fut sujette à débats.

Pénitence à Véretz

Quoi qu'il en soit, cet événement marque un changement radical dans la vie de Rancé, qui décide de se retirer à Véretz. Il y chasse encore, mais, progressivement, hanté par le souvenir tragique de la disparition de Marie, la mélancolie le gagne et le goût du luxe le quitte. Il vit une période torturée, faite d'angoisses et parfois, de visions effrayantes, qui, toutefois, finiront par s'apaiser. Au terme de ces épreuves, il se repent de sa vie de débauche, ce « monstre infernal avec qui (il) vécut », comme il l'écrit dans une lettre. Le faste de Véretz, désormais, le dégoûte. En 1660, à l'occasion d'une visite de l'abbaye de la Trappe, dans l'Orne, dont il fut commendataire, il trouve là le moyen d'un rachat. Rancé renonce à d'autres de ses possessions et se consacre à La trappe, dans un état médiocre jusqu'alors, et qu'il réforme, la faisant vivre selon la règle cistercienne. Il en deviendra abbé, y mènera une vie austère de travail et d'études, et publiera un « Traité de la sainteté et des devoirs de la vie monastique ». Il s'y éteindra en octobre 1700.

par

Retour