Culture

Du grain à moudre

Peut-être possédez-vous, quelque part dans votre cuisine, un mortier, pour écraser des herbes et des épices, ou piler de l’ail. Mais il y a peu de chances qu’il soit aussi imposant que celui présenté par Vincent Hirn, du Service de l’Archéologie du Département d’Indre-et-Loire. Un objet XXL (au moins) qui nous entraîne quelques siècles en arrière...

L’utilisation de ce mortier géant n’avait rien de fondamentalement original : moudre du grain, réaliser des préparations culinaires, telle était la raison d’être de cet objet en pierre archéologiquement complet. Certes, il en manque une partie, mais on peut la reconstituer mentalement, grâce aux traces. « Il s’agissait d’un cylindre avec un fond plein et deux anses de chaque côté, et, perpendiculairement à l’axe des anses, deux becs verseurs, un de chaque côté, symétriques », détaille Vincent Hirn.

Ce mortier a été trouvé en 2020 à Chinon, dans des remblais situés au niveau du fort du Coudray, au pied de la tour du Moulin bâtie sous Richard Cœur de Lion à la fin du XIIe siècle. « Quasiment à la surface, au niveau de la poterne, dans des couches plus récentes que lui », précise l’archéologue. Jeté car cassé, sans doute a-t-il été enlevé de son emplacement premier à l’occasion de travaux de creusement ou de décaissement.

Pour le dater, les spécialistes ont dû le comparer avec des éléments semblables mis au jour sur d’autres sites. Notre mortier remonte donc à une époque comprise entre le XIIIe et le XVIe siècle (certains, retrouvés ailleurs en France, datent de la fin de la période carolingienne, mais ils se présentent sous une forme différente).

À l’église

Outre la cuisine, ce genre d’objet pouvait servir « pour mesurer les quantités de blé ou d’autres céréales, nous indique Vincent. Le remplir à ras-bord équivalait à une certaine quantité, toujours la même. Ce qui permettait de faire des transvasements, des paiements ». Celui-ci a-t-il été aussi utilisé dans ce cadre ? Impossible de le savoir, mais il est probable qu’il ait assuré les deux fonctions. Et qu’il ait fallu deux personnes pour soulever sa quinzaine de kilos afin de verser son contenu. Information intrigante : d’autres mortiers ont été employés, ou réemployés après leur « carrière culinaire », comme bénitiers ou fonts baptismaux ! Certains étaient finement décorés, avec des visages sculptés, des symboles, des croix...

En tout cas, retrouvé dans une forteresse royale, qu’il ait servi pour la cuisine (de grands banquets ?) ou pour la mesure, ou pour les deux, notre mortier n’était pas celui de n’importe qui. Reste à retrouver l’autre partie de l’objet, le pilon, ou broyon. Peut-être était-ce quelque chose d’assez simple, une grosse pierre, tout bonnement...

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