Culture

Jacques Vincey : Dix ans, vingt ans, quelques traits

Alors que fin juin on fêtera les vingt ans du bâtiment du Théâtre Olympia, à Tours, Jacques Vincey clôture lui dix ans à la tête de ce centre dramatique national de Tours. Deux tournants importants, autour desquels nous avons brodé quelques lignes.

On pourrait croire une Tour d’Ivoire : le bureau du directeur du Centre Dramatique National de Tours est en effet situé au dernier étage du bâtiment de la rue de Lucé, dont on fête les vingt ans cette année. Si l’on aperçoit bien là un fauteuil-poire où il doit faire bon s’extraire du monde le temps d’une sieste ou d’une méditation créative, l’encore directeur du CDNT (qui quittera son poste à la fin de l’année) est loin de vouloir jouer l’ermite retiré en haut de sa montagne. Bien au contraire !

Dès son arrivée à ce poste, en 2014, le projet était clair : ouvrir le théâtre, en faire une maison pour tous et toutes. Les représentations du jeudi s’accompagnent ainsi d’un « bord plateau », une rencontre entre acteurs, actrices et public. Cette saison a également vu la mise en place des « mercredis coulisses », qui offrent aux curieux l’occasion d’explorer le décor de la pièce de la semaine. Les jeunes comédiens et comédiennes de l’ensemble artistique s’expatrient dans les collèges et lycées, pour jouer, échanger, dialoguer. Des dizaines d’ados de Touraine viennent aussi remplir la salle du Tº, presque chaque semaine…

Ouverture, objectif atteint ? « On peut toujours aller plus loin, d’autant que j’ai une nature à n’être jamais satisfait de là où j’en suis ! Mais objectivement, et d’une manière réaliste, je suis plutôt heureux et fier de ce qui s’est passé depuis dix ans. J’aime parler d’un terreau, parce que je crois qu’au fil de ces dix années le Théâtre Olympia a acquis une reconnaissance et notoriété en termes de jeune création ; c’est comme ça aussi que je considère ce lieu, un lieu-ressource où on fait tout pour que les artistes aient le plus de nourritures intellectuelles (discussions, échanges, parfois frictions, toutes créatrices), et des nourritures aussi financières, pour donner les moyens à ces artistes de se conforter dans leur premier geste ». Aux artistes associés dont les esthétiques diffèrent de celle du maître des lieux, pour apporter diversité et enrichissement mutuel aux publics comme aux dramaturges et comédiens, s’ajoute ainsi le dispositif du JTRC, Jeune Théâtre en Région Centre, créé par son prédécesseur Gilles Bouillon et que Jacques Vincey a pérennisé.

Cette ouverture du théâtre a été marquée dès l’arrivée du directeur, en 2014, par l’événement Théâtre à tous les étages. On en retrouvera l’écho pour fêter les vingt ans du bâtiment, les 30 juin et 1er juillet, avec un théâtre ouvert de fond en comble, « de mon bureau jusqu’aux toilettes du sous-sol en passant par les dessous de scène ou le local costumes », et habité par les saynètes proposées par les dizaines de comédiens, techniciens et dramaturges passés par ici en dix ans, de retour pour l’anniversaire.

9 artistes associés. 25 actrices et acteurs. 9 régisseurs-régisseuses, 3 attaché(e)s de production.

Les chiffres s’enchaînent, sur un rythme posé. « J’ai pris quelques notes » confesse l’homme de théâtre en se penchant sur un bloc-notes à carreaux où on devine ces chiffres et quelques traits. Vigilant et appliqué jusque dans son usage imperceptible mais volontaire de l’écriture inclusive (« actrices et acteurs », « régisseurs régisseuses »), l’homme semble organisé. Il le faut bien, pour assurer à la fois la direction d’une équipe solide rencontrée à son arrivée, la programmation de la saison 2023-2024 à venir, déjà bouclée, et une prochaine création qui verra le jour à la rentrée. La dernière marquée du sceau du Tº. Quartett, pièce pour deux comédiens (ou plutôt un comédien et une comédienne), et un musicien, variation de l’auteur allemand Heiner Müller autour des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos, où chaque interprète incarne plusieurs des protagonistes de ces relations corsetées et corsées. Pour l’occasion, deux monstres du théâtre seront sur scène : Stanislas Nordey et Hélène Alexandridis, sur des musiques d’Alexandre Meyer.

Vigilant, Jacques Vincey l’est aussi lorsqu’il s’agit de n’oublier personne : les partenaires institutionnels et financeurs du bâtiment dont on fête les vingt ans et de dix ans de fonctionnement (DRAC et Région Centre Val de Loire, Métropole, Ville de Tours, le Département) ; ou les équipes du Tº. « Au départ on écrit un projet qu’on défend devant un jury formé par les différents partenaires. Mais le reste s’écrit avec l’équipe, qui transforme en réalité une idée de départ. L’équipe est la mémoire du lieu, et je voulais que les unes et les autres se sentent responsables de leurs parties respectives. Les « bords plateaux » animés par les étudiants du Conservatoire avec l’équipe des relations aux publics, c’est un exemple de la richesse d’une équipe qui s’approprie une idée et l’emmène encore plus loin que prévu ».

Plus loin dans l’imprévu aussi, lorsqu’il a fallu affronter la fermeture pour cause de pandémie et réinventer une saison estivale, L’Été du Tº, forte de belles surprises avec un public au rendez-vous et des lieux insolites habités par le théâtre.

Alors que l’on soufflera dans la joie les vingt bougies du Théâtre Olympia, il n’est pas impossible que le discret Jacques Vincey soit saisi d’une autre émotion, la mélancolie. Fin décembre, il quittera son bureau, abandonnera peut-être le fauteuil-poire à la personne qui prendra le relais à la barre du Tº. « C’est beaucoup d’émotions, et j’essaie de positiver avec cette nouvelle page qui va s’écrire. Pour l’instant c’est juste une page blanche, avec quelques lignes de force ». Un bloc-notes à carreaux, barré de chiffres et quelques traits, où s’écriront les dix ans à venir ?

 

Retrouvez la saison du Tº et l’événement des 20 ans sur cdntours.fr.

 

Photo : @Marie Pétry

 

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