Culture

Jean Carmet, l’enfant de Bourgueil

Parisien d’adoption, Jean Carmet (1920-1994) n’oublia jamais sa région natale, où il se plaisait à revenir pour retrouver des copains, des paysages et des émotions d’antan. Pas très loin de ses chers Gérard Depardieu et Claude Chabrol, établis chez les voisins de Maine-et-Loire, l’un à Tigné, l’autre à Gennes. Bourgueil non plus n’a pas oublié son plus illustre ambassadeur, qui ne manquait jamais une occasion de parler de ses origines...

Des rôles en or

Un second rôle, Jean Carmet ? Bien sûr, il n’est pas question de dévaluer ce terme de « second rôle », catégorie qui donne droit à un César du cinéma français. Mais tout de même : celui qui joue le personnage principal, criminel, raciste, lâche, et pousse-au-meurtre de Dupont-Lajoie (Yves Boisset, 1974), c’est bien Jean Carmet ! (Si les César avaient existé à l’époque, nul doute qu’il aurait décroché celui du meilleur acteur pour sa remarquable composition.) Le représentant de l’autorité française en Afrique coloniale, légèrement dépressif sous le soleil tropical, dans La victoire en chantant (Jean-Jacques Annaud, 1978) ? C’est encore Jean Carmet ! Le pharmacien naïf qui se fait « pigeonner » dans Le sucre (Jacques Rouffio, 1978) ? C’est toujours Jean Carmet ! Et combien d’autres rôles de premier plan pour le petit gars de Bourgueil...

Un long chemin vers la notoriété

Bien entendu, ce n’est pas en restant dans la ville de son enfance que le jeune Carmet, né à Tours, pouvait faire carrière dans le théâtre ou le cinéma – bien qu’il se défende, dans une interview télévisée, d’avoir jamais rêvé de voir son nom en haut de l’affiche.

Dès l’âge de 17 ans, il se rend donc à Paris. L’apprentissage est long, mais les portes s’ouvrent peu à peu. D’abord figurant et régisseur, durant l’Occupation, au théâtre des Mathurins, c’est en rencontrant Robert Dhéry, patron des Branquignols, que sa vie change : engagé dans la célèbre troupe, il participe activement à « La Famille Duraton », interminable feuilleton radiophonique. Au cinéma, on devine sa silhouette dès les années 40 dans Les visiteurs du soir et Les enfants du paradis (Marcel Carné). Un nombre incroyable d’apparitions, plus ou moins mémorables, vont se succéder, avant les premiers rôles importants, dans les années 60-70. Au total, Jean Carmet a joué dans plus de 200 films.

Bourgueillois toujours

Jean Carmet était le fils d’un sellier-bourrelier établi à Bourgueil – à la place de la sellerie, se tient désormais une épicerie. Carmet père était un amateur de théâtre, qui emmenait son fils à Tours, deux fois par an, assister à des pièces. La demeure où le futur acteur a passé son enfance est ouverte à tous les curieux : elle abrite en effet la Maison des Vins, ce qui est cohérent avec la réputation de fin connaisseur que revendiquait Jean Carmet, lequel vantait en tout temps et en tout lieu les bienfaits de ses nectars préférés, les vins de Loire en général, ceux de Bourgueil en particulier.

Ici, nul n’a oublié l’enfant du pays : une avenue porte son nom, ainsi qu’une salle du cinéma de l’Amicale. Et s’il vous prenait l’envie de faire une pause au café du Commerce, à l’angle de la rue Pasteur et de la rue de Tours, sachez que le patron est un spécialiste du personnage ; il connaît à son propos une foule d’anecdotes. Dont celle-ci : pacifiste devant l’Éternel, l’acteur disait ne tolérer qu’une seule arme, « le tire-bouchon » ! Une dernière, à propos de Bourgueil et de vin, écrite par Carmet dans la préface de Grands et Petits Vins de France (Hatier) : « On raconte que mon père, le jour de mon baptême, trempa mon index dans un verre de bourgueil pour m’en oindre les lèvres et que j’eus l’air d’y prendre grand plaisir. Vérité ? Affabulation ? Je ne réfute pas l’événement. »

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