Culture

L’éperon livre ses secrets

On ne compte plus les objets trouvés par les archéologues du Département au cours de leurs fouilles dans le sous-sol tourangeau. Leur mission ne s’arrête pas là ; il s’agit ensuite pour eux de retracer l’histoire de ces outils, ces bijoux, ces céramiques, parfois même ces squelettes exhumés. Plus amusant, et plus rare, le petit trésor que nous vous présentons a très probablement fait partie de l’équipement d’un proche du roi de France...

Le Service de l’Archéologie du Département d’Indre-et-Loire (Sadil), situé au rez-de-chaussée du bâtiment des archives contemporaines, à Chambray-lès-Tours, conserve tous les objets sortis de terre, ces dernières années, à l’occasion des chantiers de fouilles. Chaque élément, qu’il date de l’Antiquité, du Moyen-Âge ou de l’époque moderne, est examiné dans les moindres détails afin qu’il révèle un maximum d’informations sur lui-même, mais aussi sur l’ensemble du périmètre étudié. C’est la mission des archéologues : interroger ces témoins du passé, les « faire parler » en quelque sorte, à force de déductions, de recoupements. Une démarche scientifique et précise. Pour autant, les spécialistes ne sont jamais sûrs et certains de ce qu’ils vont découvrir. Si le flair est un atout, la chance aussi.

« Dépotoirs » pleins de richesses

Ces deux facteurs – ainsi que de sérieuses études en amont, cela va sans dire – ont permis à l’équipe conduite par Pierre Papin de faire une étonnante trouvaille dans le cadre d’une campagne de fouilles menée dans l’enceinte du château de Loches, propriété du Conseil Départemental, de 2016 à 2018.
Vous avez certainement entendu parler du grand bâtiment mis au jour, en partie, lors de ce vaste chantier : le palais des comtes d’Anjou, ancêtre des logis royaux que nous connaissons (le donjon, de l’autre côté, était contemporain mais avait une fonction militaire). Or, quand les logis royaux ont été édifiés au XIVe siècle, cette construction antérieure (elle date du XIe), ainsi que son arrière-cour, devenues obsolètes, ont servi ni plus ni moins de « dépotoirs ». Sept siècles plus tard, quand on les a découverts, ces niveaux d’abandon se sont révélé une mine d’informations. « On y a trouvé beaucoup de poteries, d’ossements d’animaux consommés, ce qui renseigne sur le régime alimentaire de l’époque, nous éclaire Pierre Papin. Mais aussi des objets remarquables comme cet éperon de chevalier de la deuxième moitié du XVe siècle. » Remarquable, c’est le mot : l’éperon en fer étamé que nous montre l’archéologue est complet, comme le prouve la photo prise sous trois angles différents. Une rareté ; habituellement, on ne recueille que des morceaux.

Une restauration minutieuse

« C’est un objet de très haute facture qui appartenait à un chevalier. La deuxième moitié du XVe siècle correspond à la pleine période d’occupation des logis royaux par Charles VII et toute sa suite. Cet éperon a probablement appartenu à une personne de l’entourage du roi. » Pourquoi a-t-il été rejeté ? Difficile de répondre. Peut-être son double a-t-il été perdu, rendant celui-là inutilisable... Une précision : s’il est en parfait état (seule la sangle en cuir n’a pas traversé le temps), il a cependant été restauré après son exhumation. « Il n’avait pas cet aspect, il était entouré d’une gangue de rouille. » Généralement, après la mise au jour d’un tel objet de fer, une radiographie est nécessaire pour obtenir une vue sans la gangue. « On passe ensuite à une étape de stabilisation, en le faisant tremper dans des bains chimiques pour stopper la corrosion, puis on enlève celle-ci. » Ces étapes de haute technicité, qui demandent un matériel de pointe, sont réalisées par des laboratoires extérieurs.

Il est temps de remettre l’éperon du noble chevalier dans sa vitrine offerte seulement au regard de rares visiteurs ; l’endroit n’est pas ouvert au public, mais peut-être pourrez-vous admirer ce petit mobilier équestre, accompagné d’autres témoins des temps lointains, lors d’une exposition ?

 

Crédit photo : Sadil

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