Culture

L'inspirante abbaye de Bourgueil

S'il fallait un classement des sites les plus tourangeaux des sites tourangeaux, elle figurerait sans doute dans les dix premiers. D'abord, parce que située dans une appellation dont la réputation n'est plus à faire, ensuite parce qu'elle a nourri l'imaginaire rabelaisien, à tel point qu'elle a bien failli voler la vedette à l'abbaye de Thélème.

Fondée en 990 en lieu et place d'un prieuré par Emma de Blois, sœur du puissant Eudes 1er, comte de Blois, l'abbaye de Saint-Pierre de Bourgueil-en-Vallée prit rapidement de l'importance jusqu'à compter une quarantaine de prieurés et plus de soixante paroisses, et se voir dotée d'importants droits seigneuriaux. Ce sont Gaubert de Blois, premier abbé, ainsi que des moines bénédictins, venus d'abord de Saint-Julien de Tours, qui feront vivre l'abbaye et s'attacheront à la culture de l'anis et de la réglisse. L'abbaye se dote de sa première abbatiale en 1001, et les moines construiront aussi, notamment, la chapelle Sainte-Mélaine de Chinon.

Un géant et des roses

Au fil du temps, de donations en fondations, les possessions de l'Abbaye Saint-Pierre augmentent, en Touraine et au-delà. Un site d'importance où séjourneront Anne de Bretagne en 1491 ou Catherine de Médicis et Charles IX en 1565. François Rabelais connaît bien l'abbaye de Bourgueil, qu'il ne pouvait pas ne pas intégrer dans le décor de son petit monde. Gargantua voulut, en effet, la donner au moine Jean, qui la refusa, et fut alors construite l'abbaye de Thélème. Il n'empêche. Il se dit que c'est l'abbaye de Bourgueil qui servit de modèle à l'auteur, dans la description de la mythique Thélème. Quant à Ronsard, c'est dans les jardins de l'abbaye qu'il trouve l'inspiration et, dans l'un de ses sonnets, c'est encore à une rose qu'il rend hommage : « Ha Dieu que je suis aise alors que je te voy esclorre au poinct du jour sur l’espine à requoy, aux jardins de Bourgueil pres d’une eau solitaire ! »

Le retour de la culture

Aux altérations du temps et aux ravages de l'Histoire, notamment ceux des grandes compagnies du XIVe siècle, et pendant les guerres de religions, succèdent les restaurations et les aménagements. L'abbaye, jusqu'à la révolution, est un lieu privilégié et, au XVIIIe siècle encore, on vante la fertilité de ses terres, le gibier qui abonde dans ses bois, la beauté de ses voûtes élevées et de son cloître, ou encore son magnifique logis abbatial. A la révolution, devenue bien national, ses moines doivent prendre congé et l'abbaye deviendra tour à tour un tribunal, un hôpital, une usine de réglisse... Depuis près de 120 ans, une association fait vivre le lieu en gérant un cinéma et en y organisant des rencontres et événements culturels, en plus de la visite de l'abbaye et de l'entretien des bâtiments. En 2021, l'abbaye a été vendue par la congrégation de la Pommeraye à la Société coopérative d'intérêt collectif L'Oeuvrière (Scic), qui projette une programmation culturelle. La Scic présentait, en 2022, sa première exposition, « L'arche du Paradis », une série de photos animalières installée dans les jardins de l'abbaye.

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