Culture

Le dessus des cartes

Rouler avec le GPS nous déshabitue de préparer notre voyage, de regarder les cartes, d’avoir du recul sur une région particulière, un département entier. Pourtant, à grande échelle, leur étude peut révéler bien des choses en matière de géopolitique. Nous n’en sommes peut-être pas là avec cette belle carte de l’Indre-et-Loire, millésime 1922, mais sa lecture attentive a de quoi émerveiller les curieux. Même cent ans après...

À première vue, la physionomie de l’Indre-et-Loire il y a un siècle n’est pas très différente de l’actuelle, le département ayant conservé ses limites de 1790 – ce qui lui avait alors permis de récupérer Bourgueil, la Touraine angevine, le Richelais, mais lui avait fait perdre Montrichard... Mais qui parle encore de cette immense région naturelle et céréalière baptisée « Champeigne », qui dessine un arc de cercle entre Cher, Indre et Indrois, du sud de Tours jusqu’à Montrésor ? Le plateau de Sainte-Maure est encore connu de nos jours, mais qui évoque la Gâtine, au nord du département ? À part, bien sûr, les habitants de la communauté de commune Gâtine-Racan...

À chaque territoire, ses spécialités

Les productions viticoles et agricoles de chaque territoire sont bien indiquées : vin blanc à Vouvray et dans ses environs, réglisse, anis, coriandre, chanvre et vin (breton, c’est-à-dire cabernet franc) à Bourgueil, vin aussi, évidemment, du côté de Chinon, céréales au nord de la Gâtine et sur le plateau de Sainte-Maure, fromage de chèvres sur le même plateau, avec les truffes et les dindons, pruneaux à Preuilly et du côté de Candes-Saint-Martin, moutons au sud de Bossay... Les environs de Courcelles-de-Touraine sont visiblement connus pour leur miel, ceux d’Hommes pour leurs essences, ormeaux tortillards et châtaigniers en tête.

Sur le plan industriel, Bléré est déjà célèbre pour ses fonderies, scieries, machines de meunerie, Descartes pour sa papeterie et Truyes pour son carton ! Et pour cause : la cartonnerie fonctionne depuis 1850. Il est fait mention de tanneries à Sainte-Maure, le long de l’Indre, au sud de Beaulieu-lès-Loches – où l’on confectionne aussi des chaussures –, et à Château-Renault (qui de nos jours en a gardé la mémoire et des vestiges).
La Rouchouze est connue pour ses briques réfractaires, tandis que le savoir-faire de Tours dans l’imprimerie est on ne peut plus visible. C’est même son point fort.

Villages disparus

Il est à noter que quelques villes ont été rebaptisées depuis 1922 : Descartes, appelée naguère La Haye-Descartes, Cléré-les-Pins, sans les pins autrefois, Mazières-de-Touraine, sobrement nommée Mazières, Betz-le-Château, qui ne s’appelait que Betz, Noizay, qui s’orthographiait Noisay, Saint-Cyr-sur-Loire, qui n’était pas « sur-Loire » (et qui figurait en petit sur la carte, près de Saint-Symphorien qui attendra 1964 pour être rattaché à Tours). Avez-vous remarqué Saint-Denis Hors, tout près d’Amboise ? Cette petite commune sera absorbée par la plus grande en 1946.

Au-delà des écrits, les dessins comptent aussi. On se délecte de ceux qui représentent nos monuments. Azay-le-Rideau, Chinon, Amboise, Ussé, Luynes, Chenonceau, Loches, agrémentés de quelques mots explicatifs, sont des réussites, et l’artiste n’a pas oublié le donjon millénaire qui côtoie le château de Langeais ! Des églises sont parfois figurées, des menhirs, des tours, des vestiges. Amusant : le dessinateur n’a pas pu s’empêcher de faire une entorse à l’objectivité en qualifiant de « beaux » les tombeaux des seigneurs Du Bellay à Gizeux... mais sans esquisser le château local !

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