Culture

Le paysan est généreux

Solaal* est une association qui fait le lien entre agriculteurs ou filières alimentaires et organismes d’aide alimentaire, une initiative soutenue par le Département d’Indre-et-Loire dès qu’il s’est agi de créer une antenne dans la région. Le président de Solaal Centre-Val de Loire, Florent Leprêtre, agriculteur à Souvigny (41), ancien président de la FDSEA du Loir-et-Cher et de la FNSEA-Centre Val de Loire, nous explique le sens de cette démarche solidaire, d’une nécessité criante en cette période difficile pour de nombreuses personnes.

Solaal est arrivée dans notre région en 2022, mais cette association est plus ancienne. Qui en est à l’origine ?

Elle a été fondée au niveau national en 2013 par Jean-Michel Lemétayer (président de la FNSEA de 2001 à 2010), à partir d’un constat : par manque d’organisation, il y avait de la marchandise encore consommable qui était gaspillée, c’est-à-dire jetée à la décharge ou recyclée dans la méthanisation. L’association a pour but de faire le lien entre les producteurs qui font état d’un volume de surplus et les associations d’aide alimentaire, comme les Restos du Cœur ou la Banque alimentaire. C’était déjà une nécessité en 2013, ça l’est toujours, encore plus. On voit maintenant des jeunes, des étudiants, qui ont du mal à boucler leurs mois. C’est une précarité nouvelle, dont on n’entendait pas parler il y a cinq ou six ans.
Vous savez, notre rôle, c’est de produire de l’alimentation. Ça nous fait mal au cœur quand ce n’est pas utilisé à cette fin-là.

 

Quel est le rôle des conseils départementaux dans ce processus, et précisément quel a été celui du Conseil départemental d’Indre-et-Loire ?

Nous les contactons en raison de leur compétence dans les secteurs de l’économie et du social.

Après 2013, des antennes régionales de Solaal ont été créées, dont celle du Centre-Val de Loire l’année dernière. L’Indre-et-Loire a été le premier département de la région à nous suivre, à nous aider en nous allouant un budget pluriannuel. Cela va entraîner les autres départements.

 

Quels sont les dons offerts ?

Toute denrée alimentaire. Par exemple, de la production agricole qui n’a pas besoin d’être transformée, comme les légumes, les produits laitiers. Les personnes qui sont dans la précarité alimentaire manquent de produits laitiers. Or le lait, conditionné dans les laiteries, peut être distribué. Il y a aussi les produits carnés. Certains sont en date limite de vente, qui est différente de la date limite de consommation. Soyons clairs : on ne distribue évidemment pas de l’alimentation ou des matières qui ne sont plus consommables.

 

En parlant de produits carnés, vous cherchez à vous rapprocher des chasseurs...

Dans la région Centre-Val de Loire, il y a beaucoup de venaison prélevée par les chasseurs, mais aussi beaucoup de gâchis. Or, il y a besoin, dans une alimentation équilibrée, d’avoir de la viande. Mais bien souvent, on ne sait pas quoi faire de celle-là. On pourrait ainsi redorer l’image du chasseur. Nous avons besoin d’être aidés par l’État, pour les normes, et les collectivités, pour les bâtiments.

 

Faire le lien entre producteurs et associations d’aide alimentaire, qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Nous avons un savoir-faire, qui est de mettre les gens en réseau et de bien définir qui fait quoi. Les associations d’aide savent dispatcher, gérer des stocks, mais pas collecter. Nous, nous collectons, nous centralisons, puis nous distribuons équitablement à toutes les associations qui en ont besoin. Mais il est important de passer par nous, que chacun n’y aille pas de son côté. Nous avons besoin d’organiser pour être efficaces. J’ajoute que nous organisons le ramassage sur des parcelles (le glanage), pour des pommes de terre, des salades, etc. C’est notre volet insertion : pour certaines personnes, cela peut faire quelques heures de travail. C’est important pour elles.

 

Vous nous avez présenté une belle initiative solidaire. Mais certaines personnes vont se dire que c’est aussi, pour les agriculteurs, un moyen de restaurer une image un peu écornée...

Depuis dix ou quinze ans, on a trop décrié l’activité agricole. Oui, nous avons besoin de faire prendre conscience de l’intérêt d’avoir une agriculture, sous toutes ses formes. Et elle doit générer du revenu, ce n’est pas un gros mot. Mais cela n’empêche pas un agriculteur, un paysan, de donner un coup de main. Le paysan est généreux.

*SOLidarité des producteurs Agricoles et des filières Alimentaires

 

www.solaal.org/centre-val-de-loire

Sur Facebook, Twitter et Linkedin (@SOLAAL_CVL)

 

Les différents dons gérés par l’association

  • Dons sur les exploitations agricoles/chez les coopératives/chez les grossistes (la majorité des dons). Ce sont souvent des invendus. Ils peuvent être facteurs de lien social en permettant la rencontre entre donateurs et bénévoles des associations bénéficiaires.
  • Dons de magasins de producteurs
  • Retrait communautaire : 67 % du volume total des dons en 2022. Ce dispositif est très apprécié des associations car, pour celles situées dans des régions peu pourvues en fruits et légumes, c’est l’occasion de bénéficier de produits auxquels elles ont moins accès.
  • Refus d’agréage : SOLAAL intervient auprès de 188 plateformes de fruits et légumes de la grande distribution, pour les agriculteurs et coopératives dont les fruits et légumes ont été refusés à l’agréage. En Centre-Val de Loire, ce type de don est minoritaire et concernait 7 tonnes de produits en 2022.
  • Glanages solidaires : en 2022, 21 glanages ont été organisés par SOLAAL en région Centre-Val de Loire. L’association a rédigé une convention permettant d’encadrer cette pratique.
  • Abandon de recettes : des producteurs de grandes cultures, dont les produits ne sont pas directement consommables, peuvent abandonner une partie de la valeur de leur récolte au profit de SOLAAL ou d’une association d’aide alimentaire.
  • Dons sur les événements

Quelques chiffres

Dans la région Centre-Val de Loire, en 2022 :

  • 477 tonnes de dons alimentaires
  • 954 000 équivalents repas
  • 147 dons
  • 16 donateurs

 

Dans l’Indre-et-Loire, en 2022 :

  • 3 donateurs
  • 111 dons locaux organisés par SOLAAL, représentant 71 834 kg
  • Produits donnés dans le département : 40 % de concombres, 24 % de butternuts, 13 % de potimarrons, 10 % de salades, 8 % d’endives, 3 % de fenouil, 1 % de tomates et 1 % de céleris branches
  • 153 dons reçus par les associations d’aide alimentaire nationales habilitées, représentant 84 121 kg

Associations bénéficiaires : Restos du Cœur (70 868 kg), puis la Banque alimentaire, le Secours populaire et la Croix-Rouge.
Les associations n'ont pas toutes les mêmes besoins, d'où les différences de volumes reçus entre les associations d'aide alimentaire. Solaal Centre-Val de Loire propose chaque don à toutes les associations, puis le répartit en fonction des besoins exprimés par chacune.

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