Culture

Paul-Louis Courier, l’écrivain indompté

« J’aime la liberté par instinct, par nature ». C’est ainsi que se décrit Paul-Louis Courier dans Réponse aux anonymes1 en 1822. Encensé par ses pairs, de Stendhal à Goethe, l’écrivain français s’est employé dans son œuvre à railler avec ferveur les mœurs de son temps. Une grande indépendance d’esprit qui anima toute sa vie ce fervent helléniste et habile épistolier, assassiné à Larçay en 1825. Rencontre avec un pamphlétaire, enfant des Lumières, qui a marqué la Touraine de son empreinte.

L’amour des mots

Né à Paris en 1772, Paul-Louis Courier est le fils illégitime de Louise-Élisabeth de Montdeville et de Jean-Paul Courier. Reconnu en 1777 après le mariage de ses parents, Paul-Louis Courier grandit au sein d’une famille noble et érudite. Pris de passion pour le grec ancien dès son plus jeune âge et inspiré par les auteurs français de la Renaissance et des Lumières, il écrira plus tard « Les gens qui savent le grec sont cinq ou six en Europe ; ceux qui savent le français sont en bien plus petit nombre. »

En 1784, Paul-Louis Courier est admis sur concours en qualité d'élève sous-lieutenant à l’École de l'artillerie de Châlons-sur-Marne avant de rejoindre les armées napoléoniennes en tant que second lieutenant. Une carrière militaire qu’il embrassera pendant près de 17 ans et qui le laissera amère et en constant conflit avec l’autorité. De nombreuses fois à la limite de la désertion, Courier profite de ses campagnes en Europe pour visiter les bibliothèques et traduire Xénophon, Hérodote ou Isocrate. Il entretient également une correspondance active, aiguë et sarcastique, avec les hellénistes parisiens, parmi lesquels Étienne Clavier.

L’art de la contestation

En 1809, Paul-Louis Courier décide de quitter l’armée et s’installe à Rome. L’année suivante, la presse italienne publie un article sur « l’affaire de la tâche d’encre » qu’aurait commis Paul-Louis Courier à Florence sur un passage inédit d’un manuscrit de Longus : Daphnis et Chloé. Dans sa Lettre à Monsieur Renouard, Courier livre sa version des faits dans un texte caustique qui met bien vite l'opinion de son côté.

De retour à Paris, l’écrivain épouse la fille aînée d’Étienne Clavier, Herminie, et quitte sa vie d’errance pour s’installer durablement en Touraine. Sa santé, qu’il a fragile depuis l’enfance, lui fait défaut mais ne l’empêche pas de se consacrer avec ferveur à l’écriture. Celui qui s’érige en défenseur de ceux que la terre fait vivre se décrit tantôt comme un bûcheron, un laboureur ou un vigneron et compose des œuvres antimonarchistes et anticléricales qui font de lui le grand pamphlétaire de la Restauration. Un goût pour la contestation et le persiflage qui lui vaudront de nombreuses condamnations et même un emprisonnement.

En 1820, Louis XVIII lance une souscription nationale pour l’acquisition de Chambord au profit du duc de Bordeaux, l’enfant miraculé de Charles Ferdinand d’Artois, duc de Berry, assassiné à Paris par Louvel. Cette même-année, Paul-Louis Courier défie la monarchie en place en rédigeant dans sa brochure Simple discours2 un réquisitoire plein de malice contre la souscription et s’emploie à moquer la cour et les familles de grande noblesse. Ces écrits, pour lesquels il sera condamné à deux mois de prison, lui assurent bien vite

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Le pamphlétaire de Touraine

Paul-Louis Courier a passé une grande partie de son enfance à « La Véronique », sa maison familiale de Cinq-Mars-la-Pile. Il y reviendra à plusieurs reprises jusqu’au décès de ses parents. Jusqu’en 1823, il loge également régulièrement à « La Filonnière », une propriété dont il a hérité à Luynes. Une commune qui fut le théâtre d’un épisode macabre de la « terreur blanche », mouvement contre-révolutionnaire dénoncé par Courier dans sa Pétition aux deux Chambres. Mais c’est à Véretz que le pamphlétaire choisit de s’installer avec son épouse en 1818, dans la ferme de la Chavonnière, au plus près de la forêt de Larçay achetée trois ans plus tôt. Ici naîtront ses deux fils, Paul et Louis.

Dès son installation à la Chavonnière, Courier connaît de nombreux déboires, tant financiers que relationnels. Accablé par l’infidélité de sa femme, il subit les guerres de clochers et les conspirations locales. Le dimanche 10 avril 1825, il est découvert face contre terre, son corps percé de plusieurs balles, dans sa forêt de Larçay. Un crime attribué à ses domestiques mais qui recèle encore de nombreux mystères, la personnalité contestataire de l’écrivain attirant sur lui de nombreuses menaces politiques et religieuses. Sur les lieux du drame, sa veuve fit ériger une stèle, gravée des mots suivants : "A la mémoire de Paul-Louis Courier assassiné en cet endroit le 10 avril 1825. Sa dépouille mortelle repose à Véretz mais ici sa dernière pensée a rejoint l'éternité."

Une fin polémique, à l’image de la vie de cet écrivain acerbe, qui consacra son œuvre à la défense des petits et que Balzac qualifia d’ « homme remarquable », dont les « délicieux pamphlets […] ressemblent à des carcasses de feu d’artifice ».

 

1 Titre complet : Réponse aux anonymes qui ont écrit des lettres à Paul-Louis Courier, vigneron

2 Titre complet : Simple discours de Paul- Louis, Vigneron de La Chavonnière, aux membres du Conseil de la commune de Véretz, Département d’Indre-et-Loire, à l’occasion d’une souscription proposée par S. E. Le Ministre de l’Intérieur pour l’acquisition de Chambord.

 

Illustration : Théodore frère (dessinateur) et Léon Mauduison (graveur), Portrait de Paul-Louis Courier, burin tiré de l’ouvrage de Stanislas Béranger, La Touraine ancienne et moderne. Paris, L. Mercier vers 1845 (AD37-8Fi0481).

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