Culture

Protéger le passé, en pensant au futur

Avant 1905, de nombreux objets bénéficiaient déjà de la protection au titre des monuments historiques (œuvre de Prosper Mérimée), mais la loi de séparation des Églises et de l’État laissa craindre que ceux situés dans les édifices religieux ne tombent en déshérence. L’État créa donc en 1908, dans chaque département, la mission de conservation des antiquités et objets d’art, aujourd’hui rattachée aux Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC). Isabelle Girard, archiviste au Département, l’assure depuis 2016.

Parmi les trésors du patrimoine dont notre département regorge, beaucoup sont liés au culte catholique. Ce n’est toutefois pas une spécificité tourangelle : en France, 70 % des objets protégés MH sont conservés dans les églises et sont des propriétés communales. Une proportion qui a tendance à diminuer : « Depuis le milieu du XXe siècle, nous protégeons aussi des objets civils, déclare Isabelle Girard, conservatrice des antiquités et objets d’art (CAOA) de l’Indre-et-Loire. On les retrouve dans les tribunaux, hôpitaux, préfectures, conseils départementaux, mairies, établissements d’enseignement... À partir des années 70, un nouveau champ s’est ouvert : celui du patrimoine industriel, scientifique et technique. Depuis, on protège des trains – la Richelaise, par exemple, propriété du Conseil départemental ­–, des avions, des métiers à tisser… ». Avec le temps, certaines choses qui nous paraissent aujourd’hui banales deviendront des témoignages précieux...

Sur le terrain

La CAOA assure en premier lieu une mission de récolement du mobilier protégé présent sur le territoire, les immeubles étant du ressort des Conservations régionales des monuments historiques (DRAC) et des Bâtiments de France (UDAP). « Je fais des tournées, canton par canton, puisque ces objets sont conservés dans l’ensemble de l’Indre-et-Loire, particulièrement riche en la matière. Sur place, il s’agit de vérifier la présence de l’objet, son état, sa sécurisation, de dresser sa ″carte d’identité″ (photographies, dimensions) et d’accompagner les propriétaires dans leurs projets de restauration et protection ». Le récolement – 1 550 objets récolés depuis 2016, sur 60 % du territoire à ce jour – est souvent suivi d’effets : actions de valorisation, de préservation, de restauration, autant de domaines qui nécessitent les conseils de l’experte.

Parfois, ces visites sont l’occasion de découvrir des objets qui ne sont pas encore inscrits ou classés aux monuments historiques, mais qui pourraient mériter de l’être. À ce propos, inscription, classement, quelle différence ? « L’inscription témoigne d’un intérêt historique, artistique, scientifique ou technique régional, le classement d’un même intérêt, mais au plan national ».

Depuis 2016, 67 nouveaux objets ont été protégés en Indre-et-Loire : tableaux, sculptures, cloches, mécanismes d’horloge…  Isabelle Girard en a présenté d’autres fin 2022 devant la Commission régionale du patrimoine et de l’architecture, dont l’avis favorable pour l’inscription est nécessaire avant la décision de la préfète de région. Le classement, pour certains objets, se décidera ensuite devant une commission nationale.

Un travail d’accompagnement et de conseil, aussi

Si les grandes communes disposent de services patrimoniaux très actifs – ce qui n’empêche pas la conservatrice de s’y rendre –, cette dernière s’est surtout déplacée dans les petites et moyennes localités d’Indre-et-Loire, certaines n’ayant vu que rarement le CAOA ou méconnaissant la réglementation liée au mobilier MH. Dans un tiers des cas, c’est à leur demande. « C’est un vrai accompagnement. Le fait que la mission, rattachée dans son fonctionnement à la Direction des Archives, de l’Archéologie et de l’Inventaire, soit portée par le Département, crée un lien de proximité. De plus, lorsqu’une commune de moins de 10 000 habitants envisage une restauration d’objet protégé MH, le Département peut l’accompagner financièrement, en complément de l’aide de l’État ». Les conseils d’un CAOA se révèlent alors extrêmement utiles. Celui-ci, qui répond aussi, au titre de l’ingénierie départementale, aux demandes des communes concernant des objets non protégés, peut les orienter vers les professionnels dont ils ont besoin ou dans la recherche de financements, qu’ils soient classiques, ou moins, mais amenés à se développer (mécénat d’entreprise, Fondation du Patrimoine...).

Autant de démarches à réaliser – et qui nécessitent d’être bien aiguillé – si l’on veut transmettre au mieux le patrimoine mobilier aux générations futures.

Des trésors en partage

Il n’y a pas que les musées qui présentent des œuvres exceptionnelles aux amateurs. Ainsi, dans la première chapelle sud du chœur de la cathédrale de Tours, se laisse admirer le tombeau des enfants royaux, les fils de Charles VIII et d’Anne de Bretagne morts en bas âge. Une œuvre religieuse emblématique, en marbre blanc et noir. Le tombeau des Bastarnay, à Montrésor, figure lui aussi sur la liste des objets historiques les plus remarquables d’Indre-et-Loire, sans oublier la Pietà, panneau peint de Jean Fouquet conservé dans l’église de Nouans-les-Fontaines. En levant les yeux à Chemillé-sur-Indrois, on verra la cloche (toujours active !) la plus ancienne d’Indre-et-Loire : elle date de 1367. Si vos pas vous mènent jusqu’à Limeray, sachez que l’église locale compte plus de 30 objets protégés (comme à Amboise ou Chinon), celle d’Azay-sur-Cher à peu près autant. À titre de comparaison, une centaine d’objets protégés MH sont conservés à Loches.

 

Photo : © Sébastien Drouet

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