Culture

Saint-Libert et la statue de l’évêque

Récemment restaurée et en partie refaite à neuf, la chapelle des bords de Loire, à Tours, siège de la Société archéologique de Touraine, avait avant cela fait l’objet d’une campagne de fouilles qui a permis de révéler quelques secrets bien enfouis et de faire remonter des vestiges oubliés. Ainsi, la statue d’un évêque a été miraculeusement retrouvée ; elle est exposée dans le monument.

Longtemps, la chapelle Saint-Libert, édifiée au XIIe siècle – mais sans doute une autre existait-elle auparavant, dès le VIIe ou VIIIe siècle –, a été cachée par des bâtis plus récents. Jusqu’à son rachat par la Société archéologique de Touraine, dans le but, rappelle son président, Yves Cogoluègnes, d’en faire son siège après restauration et remise à neuf de certaines parties. Opérations bien sûr précédées, en 2012-2013, du déblaiement de deux mètres de terre et de gravats entassés à l’intérieur – remblai dû à la construction des quais de la Loire, tout proches, au XIXe siècle –, et à une campagne de fouilles conduite par le Service d’Archéologie de l’Indre-et-Loire (Sadil).

Arrivés aux niveaux anciens, les archéologues ont découvert 53 sépultures du XVIe siècle – dont l’histoire à elle seule mériterait un article entier ! –, et ont pu examiner la stratigraphie, les différentes couches du sol, depuis l’édification de la chapelle, et même un peu avant, jusqu’au XVIIIe siècle. Le rempart du castrum romain, sur lequel repose une partie du monument, a lui aussi été attentivement observé.

« Durant l’une de ces grandes phases d’occupation, il y a eu, à la fin du XVe siècle, une restauration globale de la chapelle, qui appartenait alors à l’abbaye de Preuilly-sur-Claise, relate Samuel Riou, archéologue du Sadil. On sait que la charpente a été refaite en 1483. » Rappelons qu’à l’époque, Tours était la capitale du royaume. Consécutivement à la fin de la guerre de Cent-ans, la France connaissait alors un essor économique, mais aussi religieux, avec la reconstruction de nombreux bâtiments en souffrance, travaux financés par le monarque ou des mécènes.

La découverte que l’on n’attendait plus

La charpente de 1483, année de la mort de Louis XI, c’est celle que nous admirons encore. Mais tout a été refait à cette époque, y compris la statuaire. Or, « en 1562, les protestants ont investi la ville et établi leur quartier général au château de Tours. Ils ont pillé l’ensemble des églises catholiques, pris les statues, au moins une, celle que nous avons retrouvée : ils l’ont décapitée, lui ont enlevé les avant-bras. Les Oratoriens, contre-réformistes et adversaires des protestants, ont récupéré la chapelle en 1618, ont refait l’autel et ont placé la statue derrière, dans une sorte de sépulture. » Elle a été mise au jour à la toute fin des fouilles, mais pas dans la chapelle : dans la rue de la Bretonnerie, au niveau de l’extrémité disparue depuis la construction de la levée, au XIXe siècle.

La petite statue (92 cm) en ronde-bosse, en pierre polychrome, contemporaine de la restauration du XVe siècle, est là, devant nous, exposée aux regards de tous. Sans sa tête, sans ses avant-bras, mais avec un drapé remarquable et sa peinture d’origine. Une rareté. Des statues de ce genre, il doit y en avoir quatre ou cinq seulement en Touraine, dont une dans l’église de Limeray. Elle se rapproche aussi des sculptures de la façade occidentale de la cathédrale de Tours, réalisées entre 1465 et 1509. « On ignore précisément qui elle représente, confie Samuel Riou, mais on devine, derrière la statue, la partie d’une mitre. L’avant-bras droit était relevé pour tenir une crosse épiscopale. C’est donc d’un évêque. Pas saint Libert, qui ne l’a jamais été, peut-être saint Martin. » Un miracle que cette découverte ! Car, comme nous l’avons dit, non seulement les statues ont été dérobées, mais les murs, probablement recouverts de peintures, ont été grattés par un salpêtrier, ancien propriétaire de la chapelle. D’objet provenant de cette dernière, il ne reste guère que cette représentation d’un évêque anonyme...

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