Culture

Sainte-Maure-de-Touraine : La Touraine sur un plateau !

C’est le fromage de chèvre qui monte, qui monte : 8 millions de bûches de Sainte-Maure-de-Touraine ont été produites en 2021, presque deux fois plus qu’en 2005. Tout le monde le réclame ! Mais attention aux contrefaçons : comme son nom l'indique, le Sainte-Maure-de-Touraine, transpercé de sa célèbre paille, elle aussi tourangelle (elle vient de Bridoré), n’est produit qu’en Touraine, et nulle part ailleurs…

Un fromage bien de chez nous !

Attention à ne pas tronquer son nom sous peine de commettre une confusion : contrairement au « sainte-maure » tout court, qui peut être fabriqué n’importe où, le Sainte-Maure-de-Touraine bénéficie depuis 2009 d’une appellation d’origine protégée (AOP). C’est en Touraine uniquement qu’il est conçu, une Touraine qui dépasse toutefois légèrement les frontières de l’Indre-et-Loire puisque quelques cantons limitrophes du Loir-et-Cher, de l’Indre (assez loin dans ce département) et de la Vienne peuvent produire la célèbre bûche de chèvre dont l’invention – dit la légende – remonterait à la bataille de Poitiers et à ses conséquences : les femmes arabes qui suivaient les combattants auraient montré leur savoir-faire en matière de fromage de chèvre aux Tourangelles d’alors. On est en tout cas certain que l’élevage de troupeaux de chèvres, qui a pu idéalement se développer sur la zone sèche du plateau de Sainte-Maure, et la production de fromages, remontent dans notre région à la période carolingienne.

ALCUIN,LECONSEILLERTOURANGEAUDECHARLEMAGNES’ENREGALAIT

Le procédé s’est ensuite transmis de génération en génération, jusqu’à aujourd’hui, où plus de 300 hommes et femmes, répartis sur 120 élevages laitiers, 39 sites de fabrication fermière, sept laiteries et un affineur, perpétuent la tradition dans le respect d’un cahier des charges qui définit l’aspect, la longueur, le poids du vrai Sainte-Maure-de-Touraine au lait cru. Celui-ci provient des trois seules races de chèvre autorisées par l’AOP : l’Alpine, la plus commune en France, avec sa robe chamoisée, la Saanen, à la robe blanche ou crème, et la Poitevine, au pelage brun, devenue assez rare après un abattage massif réalisé au début du XXe siècle à la suite d’une épidémie de fièvre aphteuse. Une quatrième s’invite à l’occasion : la Croisée, issue du croisement entre deux des races indiquées précédemment.

Un procédé de fabrication bien rodé

Chez Florence et Bertrand Barreau, éleveurs et fromagers à Dolus-le-Sec (EARL le Cabras), tout commence – comme chez leurs confrères et consœurs – par la traite des chèvres, matin et soir (eux en ont 200). « Le lait du soir est stocké dans un tank à lait, en prématuration, avec du lactosérum, décrit Florence. On le laisse toute la nuit à 13-14 °C. Le matin, on refait une traite, qui va dans le tank avec le lait de la veille au soir. On rajoute du lactosérum, on emprésure dans le tank à lait puis on met les bacs en salle de caillage », où règne une température de 21,5 °C. « 24 heures après, on récupère les bacs, on enlève le lactosérum, en gardant juste de quoi réensemencer, et on va faire notre moulage. » Opération qui consiste à « emmouler » le produit dans les fameux moules tronconiques, spécifiques à l’AOP.

48 heures après, les fromages sont démoulés à la main, un par un. Arrive alors le moment-clé sans lequel un Sainte-Maure-de-Touraine ne serait pas vraiment un Sainte-Maure-de-Touraine : la mise en place de la paille, avant que le fromage ne soit trop dur. Une paille de seigle provenant de l’établissement ou service d'aide par le travail (Esat) de Bridoré, marquée au nom du producteur, s’il vous plaît, avec son numéro d’agrément, et dont l’utilité n’est pas, comme on le dit souvent, de laisser échapper l’eau de notre délice de chèvre préféré, mais de maintenir sa forme tronconique. « C’est surtout une marque de qualité et de reconnaissance », indique Florence Barreau qui, régulièrement, fournit avec son époux plusieurs collèges du département, à Esvres, Tours, l’Ile Bouchard, Loches ou Vouvray.

Pour finir, les fromages, qui atteignent 16 à 17 cm et pèsent 250 grammes, sont recouverts d’un mélange sel/cendre végétale, pour mieux les conserver, puis posés sur des claies. « On attend qu’ils fleurissent, c’est-à-dire qu’ils commencent à se recouvrir de la moisissure typique du Sainte-Maure-de-Touraine. Quand c’est fait, on les tourne pour qu’ils fleurissent en-dessous. Ensuite, on les rentre au haloir, sous une température de 14 °C, où ils vont rester dix jours. » Le onzième jour, les fromages seront autorisés à entrer en chambre froide, et à être commercialisés.

En 2021, 1 940 tonnes de la célèbre bûche tourangelle ont été produites, soit environ 8 millions de pièces (4,5 millions en 2005). Le Sainte-Maure-de-Touraine est le fromage de chèvre d’appellation le plus vendu. Grâce à lui, la Touraine est en bonne place sur tous les plateaux !

par

Retour