Culture

Un jeu de marelle... du XIIe siècle !

On connaît le prieuré Saint-Cosme pour son logis, où vécut Ronsard (dont le souvenir est encore présent), pour ses vestiges, notamment le réfectoire des moines et l’église, pour ses jardins, si agréables à parcourir aux beaux jours, ou encore pour ses deux espaces muséographiques où sont exposés différents objets mis au jour lors des campagnes de fouilles. Parmi eux, un plateau de jeu, gravé sur une ardoise, qui laisse penser que l’on pouvait aussi s’amuser ici, entre deux prières. Si toutefois il est bien l’œuvre d’un moine, ce qui reste à prouver...

L’histoire du prieuré Saint-Cosme n’a pas débuté ni ne s’est achevée avec la présence de son plus célèbre prieur, Pierre de Ronsard (1524-1585) qui termina sa vie ici et repose près de l’église. Le prieuré a été fondé au XIe siècle ; huit siècles de vie religieuse suivront. « Au départ, c’était une pêcherie, rappelle Elodie Sévêque, responsable adjointe, puis un monastère qui s’est agrandi grâce au mécénat de plusieurs rois. Le domaine a ensuite été démantelé à partir du XVIIIe siècle, investi par un soyeux au début du XIXe siècle, détruit en partie lors des bombardements de 1944. Pour finir, c’était un hameau agricole. » L’acquisition par le Département, dans les années 50, va permettre de conserver et de valoriser ce lieu alors oublié. C’est aujourd’hui un site historique bien connu, sur lequel une immense campagne de fouilles a été menée en 2009-2010. Parmi quantité d’objets – et de sépultures, au nombre de 450 (!) –, une ardoise gravée a été mise au jour. Mais pas n’importe quelle ardoise gravée...

Sur un toit, puis sur une tombe

Car c’est un jeu de marelle (aucun rapport avec la marelle à cloche-pied), ou mérelle, constitué de trois carrés imbriqués les uns dans les autres et reliés par des lignes, qui a été reproduit sur les deux faces de cette ardoise réemployée. « Elle avait servi auparavant de couverture, pour un toit d’abord, puis pour une sépulture de la fin du XIIe siècle-début du XIIIe, dans un des cimetières », précise Grégory Silberstein, archéologue au Service de l’Archéologie du Département d’Indre-et-Loire (SADIL). La réalisation du jeu date-t-elle de cette période ? Ou a-t-elle précédé le réemploi en élément de couverture de sépulture ? En tout cas, elle ne lui a pas succédé, car ce mérellier était enfoui...

Une belle découverte, a priori rare en Touraine, mais pas un mystère : « Cette famille de jeux de société est connue depuis au moins l’Antiquité », souligne l’archéologue. Pour autant, rien n’atteste que notre ardoise, bien qu’elle soit gravée d’une marelle, ait véritablement servi pour l’amusement ; on ne peut exclure une utilisation plus symbolique, voire religieuse, notamment au regard du contexte de découverte.

On ne sait pas tout !

But du jeu ? « Il y avait 9 pions par joueur, le principe étant de former des alignements permettant de prendre les pions adverses », nous informe Grégory, ajoutant que les règles variaient (placement, avancement des pions, règle de prise, utilisation ou non de dés…). « La mérelle à 9 pions s’est répandue à l’époque byzantine. Ce type de jeu s’est perpétué par la suite dans toute l’Europe au cours du haut Moyen Âge et a connu un succès grandissant au cours du temps. » Au prieuré Saint-Cosme, ce qui a pu servir de pions n’a pas été retrouvé à proximité de l’ardoise. Peut-être ne s’agissait-il que de pierres ?

Une autre interrogation demeure si nous cherchons à savoir pourquoi l’objet a été gravé des deux côtés : peut-être l’un a-t-il servi de « brouillon » ? Ou bien, il n’a pas convenu à son auteur, pour telle ou telle raison...

Son auteur, justement, qui était-il ? On ignore, bien sûr, son identité, car il n’a pas signé son œuvre. Un moine ? Un laïc ? Un pèlerin ? Décidément, cette histoire n’est pas gravée dans le marbre... ni même dans l’ardoise !

 

www.prieure-ronsard.fr

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