Culture

Un nymphée, quesaco ?

Au cœur d’un bosquet, au nord de la commune du Grand-Pressigny, se trouve un curieux petit édifice, plutôt mal en point : le nymphée. Un bijou de la Renaissance aujourd’hui devenu le lieu de tous les questionnements. Dans une région aussi marquée par l’histoire de France, comment préserver le patrimoine bâti ? Quelle nouvelle vie donner à ces monuments soumis aux affres du temps ? Acquis en 2021 par le Conseil Départemental d’Indre-et-Loire, le petit nymphée du Sud-Touraine va bénéficier d’un grand plan de sauvegarde et de mise en valeur. Découverte de ce site unique en France qui ne demande qu’à être réinventé…

Un édifice dédié à l’eau et à la nature

Au début du XVIe siècle, inspirés par l’architecture antique et la Haute Renaissance italienne, les grands seigneurs agrémentent les parcs des châteaux de grottes artificielles appelées nymphées. Dédié aux nymphes, créatures mythologiques protectrices de la nature, c’est un lieu profane caché, dont le décor s'inspire de l’eau. Ici, on vient se reposer ou se rafraîchir autour d’un bassin ou d’une source et deviser entre personnes de bonne compagnie. Ce lieu de plaisirs et de contemplation est un symbole de réussite, qui doit impressionner.

Très rares en France, les nymphées ont pour beaucoup été détruits après la Révolution. Parmi les nymphées les plus célèbres et les mieux préservés, on peut citer celui du Château de Fontainebleau. Ce qui fait la spécificité du nymphée du Grand-Pressigny, ce sont ses peintures intérieures, uniques en France.

Un édifice en péril, jadis symbole de faste

Au XVIe siècle, le Château de Pressigny est une bâtisse somptueuse qui rivalise avec les grands châteaux de la Loire. Au nord du parc qui s’étend sur près de 80 hectares, on construit un nymphée, avec deux bassins pourvus d’un ingénieux système hydraulique. Avec son plan octogonal et sa coupole à 8 pans, l’édifice haut de 7 m est de remarquable construction. Sa façade incurvée rappelle la composition tripartite des arcs de triomphe : un fronton, une porte au centre et des niches latérales, séparées par des pilastres sculptés qui représentent des chutes d’eau congelée. Le décor de coquillages, d’où jaillissait de l’eau, présente un monogramme qui porte les initiales SV, pour Savoie-Villars. Si l’architecte est à ce jour inconnu, on sait que le nymphée a été érigé autour de 1580 par Honorat II de Savoie-Villars, cousin du roi François Ier et maréchal de France, probablement pour le mariage de sa fille Henriette. À l’intérieur du bâtiment, des décors peints, aujourd’hui pratiquement effacés, devaient évoquer une tonnelle, avec des treillages et de la végétation, réhaussés d’ocres jaunes et rouges.

Du faste d’antan, il ne reste plus aujourd’hui qu’un petit bâtiment en ruine, perdu au milieu des champs. Malgré une consolidation en 2004, les années d’abandon ont laissé des traces : la coiffe a disparu, la pierre présente de nombreuses infiltrations, les peintures s’effacent…

Un édifice à restaurer et à réinventer

Le Conseil départemental d’Indre-et-Loire est le département qui possède le plus de Monuments Historiques en France, après Paris. Aux côtés de grands sites touristiques comme la forteresse de Chinon ou la Cité Royale de Loches, on trouve aujourd’hui des monuments plus modestes, acquis au fil des années avec une volonté forte :

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Restaurer d’abord car la plupart de ces petits monuments en péril nécessitent de grands travaux de sauvegarde. Transmettre ensuite, car à chaque projet de restauration est associé un plan de médiation et de mise en valeur. À l’image du pigeonnier de Panzoult, acheté dans un état critique en 2005, qui renaît aujourd’hui après de nombreuses années d’études et de travaux. Magnifiquement rénové, le site est ouvert au public depuis septembre 2021. Agrémenté de bancs et d’espaces de circulation, le pigeonnier intègre également une œuvre contemporaine de la plasticienne Laurence Dréano qui devrait attirer un nouveau public, plus jeune et plus familial.

Pour le Conseil départemental la mission de sauvetage est désormais lancée. Mais quels aménagements pour le site et ses abords ? Faut-il recréer la coiffe aujourd’hui disparue ou le grand bassin qui reflétait autrefois la façade ? Faut-il restaurer les peintures et le système hydraulique ? Une chose est sûre, il faut donner à voir le site : mettre en place des outils de médiation pour le rendre plus compréhensible, le replacer dans l’espace et dans le temps, et plus largement, l’intégrer à un maillage touristique et économique pertinent.

Des études vont être lancées prochainement pour envisager le devenir du nymphée. Sans conteste, ce lieu de quiétude et de méditation sera le décor, dans les années qui viennent, d’une aventure passionnante.

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