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François Rabelais, l’humaniste

« L'appétit vient en mangeant », « L’Ignorance est mère de tous les maux », « Rire est le propre de l’homme », « Un malheur ne vient jamais seul », « Le temps est père de vérité » … C’est à François Rabelais que nous devons ces proverbes, aujourd’hui entrés dans le langage courant. Tout à la fois écrivain, moine et médecin, François Rabelais est un personnage singulier qui a fait de son Chinonais natal le décor de ses œuvres, marquant ainsi la Touraine de son empreinte. Rencontre avec cet humaniste de la Renaissance, père de Gargantua et Pantagruel, qui porte avec humour un œil avisé sur les grandes questions de son temps.

Alcofribas Nasier

Né à Seuilly, à 7 km de Chinon, à la fin du XVe siècle, François Rabelais grandit dans une famille bourgeoise, auprès de son père, Antoine, avocat et sénéchal à Lerné. Autour de 1520, il rejoint le couvent franciscain des Cordeliers à Angers, puis prend l'habit au couvent de Fontenay-le-Comte, ancienne capitale du Bas Poitou. Dès lors, il étudie les auteurs antiques et correspond avec de nombreux érudits de son temps. Passionné par la langue grecque, considérée comme hérétique, il s’attire bien vite les foudres de son ordre et des théologiens de la Sorbonne qui voient d’un mauvais œil une traduction moderne de la Bible. Il obtient alors du pape Clément VII une dérogation pour poursuivre ses études (en droit notamment) dans l’ordre, plus profane, des bénédictins à l'abbaye Saint-Pierre-de-Maillezais en Vendée. Il y rencontre l'évêque Geoffroy d'Estissac, prélat lettré nommé par François Ier, qui devient son protecteur.

En 1530, François Rabelais se rend coupable d’apostasie en quittant les ordres sans autorisation. À cette époque, il entretient une liaison avec une femme veuve et devient père de deux enfants. Il entame des études de médecine à Montpellier, avant de s’installer à Lyon où il est nommé médecin à l'Hôtel-Dieu. Là, il acquiert rapidement une solide notoriété en traduisant Galien et Hippocrate afin de concevoir de nouveaux remèdes et soins, notamment contre la peste. À cette époque, Rabelais diffuse également ses premières œuvres, médicales tout d’abord, puis parodiques avec Pantagruel en 1532 et Gargantua en 1535, publiées sous le pseudonyme d'Alcofribas Nasier (anagramme de François Rabelais).

Le chantre du pantagruélisme

À partir de 1534, François Rabelais accompagne régulièrement en Italie le cardinal Jean du Bellay (cousin du poète Joachim) qui devient son protecteur. Il obtient l’absolution du pape Paul III et est relevé de ses vœux monastiques. De retour à Montpellier pour achever ses études, il est nommé docteur en médecine en 1537. Grâce à ses mécènes et malgré les nombreuses censures de la Sorbonne, maintes fois moquée dans ses œuvres, Rabelais poursuit ses publications avec le Tiers Livre, puis le Quart Livre, qu’il signe de son vrai nom.

En 1551, le cardinal du Bellay octroie à Rabelais les cures de Saint-Martin de Meudon et de Saint-Christophe-du-Jambet dans la Sarthe. Il y renoncera 2 ans plus tard, avant de s’éteindre à Paris en 1553, probablement à l’âge de 70 ans. Onze ans après sa mort, l’intégralité de son Cinquième Livre est publiée, clôturant ainsi la quête de la « Dive Bouteille » de celui qui est devenu au fil du temps l’incarnation de la pensée humaniste.

Un héritage qui tient à ses œuvres majeures, Pantagruel et Gargantua. La vie de ces deux géants, burlesques et grossiers, y est narrée dans des contes truffés de références antiques et modernes qui invitent à voir plus loin que le récit pour en découvrir la « substantifique moëlle ». À travers ces romans de chevalerie, véritable satire de son temps, il remet en question le dogme religieux et l’éducation, y dépeint des guerres futiles et aborde des questions de droits, des théories scientifiques, des sujets philosophiques… en arborant un riche lexique de près de 30 000 mots, parmi lesquels des centaines qu’il a lui-même inventés, comme le « pantagruélisme », une philosophie épicurienne qui consiste à profiter des bonnes choses de la vie.

La maison des champs

Une débauche de bonne chère, qui, sans nul doute, a trouvé naissance dans son enfance, passée dans l’une des régions viticoles les plus célèbres de Touraine : le Chinonais. C’est ainsi que les champs, ruisseaux et coteaux qui entourent sa maison d’enfance, La Devinière (évoquée dans ses œuvres sous le nom de Château de Grandgousier), sont devenus le décor de la bataille qui oppose Gargantua à son voisin Picrochole… au sujet d’une histoire de fouaces (de la nourriture, évidemment !).

Aujourd’hui, la maison de Rabelais est devenue un musée, propriété du Conseil Départemental d’Indre-et-Loire, labellisé « Maisons des Illustres » et « Musée de France ». Le parcours scénographique invite les visiteurs à déambuler du logis du XVe siècle au pigeonnier, en passant par les caves troglodytiques et la maison du vigneron et propose de retracer les temps forts de la vie de Rabelais, agrémenté d’éditions rares, de gravures anciennes et de portraits.

En complément de la visite, le musée propose également une balade sensorielle et littéraire sur un sentier d’interprétation qui mène à l’Abbaye de Seuilly, théâtre d’un autre épisode de Gargantua. Pour remercier le Frère Jean des Entommeures, un moine buveur et amateur de plaisanteries grivoises, d’avoir sauvé l’abbaye des troupes de Picrochole, Gargantua lui accorde la création de l’abbaye de Thélème, la première utopie de la littérature française, dont la règle unique est : « Fay ce que vouldras ». Un adage qui résume parfaitement la philosophie de vie de François Rabelais, un personnage aux multiples facettes, ecclésiastique et anticlérical, humaniste et libre-penseur, devenu avec humour, le père du roman moderne.

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